Il est difficile, pour un chroniqueur peu familier du sport en général et du foot en particulier, de venir ici avec ses gros sabots pour tenter une évaluation de ce qui s'est produit le 15 juillet à Moscou, cette deuxième étoile accrochée au T-shirt du football français et qui brille de tous les feux de la gloire. Je suis en effet surpris non de ce que la France pût vaincre toutes les équipes adverses, mais que, l'ayant fait, elle en ait retiré une joie tonitruante, longue comme un contre-ut interminable, comme si les Bleus avaient accompli un miracle et que s'étaient préparés en secret, dans un silence superstitieux, les lendemains d'une victoire possible, probable, de plus en plus sûre... jusqu'à la dernière seconde du match de finale. On a du mal à croire que des millions de nos concitoyens, à Paris et dans tant d'autres villes, y compris les plus petites, soient descendus dans la rue, un peu comme s'ils avaient tous reçu un message de « Big Brother », les enjoignant d'aller fêter, à la même minute, le triomphe français. Mais non, nulle manipulation. Dans l'enthousiasme, deux chaînes de télévision ont oublié les programmes prévus et ont continué pendant des heures à commenter l'événement, perçu par la foule comme une sorte de message divin, entre le retour de la paix sur terre ou l'arrivée du Messie.
En réalité, la France, ne cessait depuis des semaines, de retenir son souffle jusqu'à risquer l'asphyxie. Quarts de finale, demi-finale, finale... L'espoir n'a cessé de gonfler les poitrines françaises dans un suspense insoutenable avec cette réflexion complexe et nuancée : il ne faut surtout pas vendre la peau de l'ours, la demi-finale contre ces excellents belges, c'est dur, la finale contre ces Croates très forts (la preuve, c'est qu'ils y sont eux aussi), non, on ne peut jurer de rien, la défaite est possible. Et puis un but, puis deux, une tentative d'égalisation par la Croatie et puis 4 à 2. Bravo. Pour moi, c'était bien, et c'était fini.
Tout bascule
C'est alors que tout bascule. Tout à coup, le spectateur est devenu spectacle, avec cette foule énorme, innombrable, compacte (mais comment pouvaient-ils respirer en cette fin de journée d'été ?), la France se transformant en un seul corps, en un seul sourire, en une seule joie. C'est alors que la fête commence, bruyante, planétaire, universelle : non mais, on ne va pas les priver de leur plaisir !
Les Champs pratiquement interdits à la circulation pendant trois jours, pour trois 14- Juillet, 14, 15 et 16, jour d'un défilé sportif et non militaire, avec en prime un vol de la patrouille de France le 16, pour que les Français puissent voir les héros dans leur bus, pour les saluer, pour les remercier, pour les applaudir, pour les embrasser, si possible, pour les héler, prononcer leurs noms sacrés, pour s'identifier à eux, pour que chacun s'attribue un peu, une part, même infime, de leur héroïsme, pour que leur triomphe national soit aussi celui de tous les citoyens qui les ont soutenus si ardemment. Des hommes et autant de femmes étaient massés sur des terrasses, sur des balcons, juchés sur un reverbère. Un gros couac : les joueurs étaient attendus au Crillon, ils n'y sont pas venus, colère des supporters, charge de la police.
Si les gens avaient pu entrer tous à l'Elysée et participer à la réception organisée par Emmanuel Macron, ils y seraient allés, bien sûr. On a tout oublié. Peu importent nos difficultés quotidiennes, nos divisions médiocres, nos conflits internes. Peu importe que Trump et Poutine se soient vus à Helsinki, que le Brexit continue de faire des ravages, ou que les temps soient durs. Ce bonheur d'un match, il faut qu'il dure, il faut le savourer jusqu'au bout, il faut, en quelque sorte, s'installer aussi longtemps que possible, dans le positif.
Même les Croates ont fait la fête : la deuxième place, pour un petit pays, c'est tout de même grandiose. Ils ont fait voler des chasseurs-bombardiers. Ils ont acclamé leurs joueurs. L'essentiel, on nous l'a assez répété, c'est de participer, n'est-ce pas ? Bien sûr. C'est encore mieux de gagner.
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