L’animal et la nature

La nature de l’Homme en miroir

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Publié le 01/04/2019
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L01/04-Sauver Daisy

L01/04-Sauver Daisy

L01/04-La Vache

L01/04-La Vache

L01/04-Un silence brutal

L01/04-Un silence brutal

L01/04-Toucher terre

L01/04-Toucher terre

L01/04-Le Zoo de Rome

L01/04-Le Zoo de Rome

L01/04-Les Poissons-Chats

L01/04-Les Poissons-Chats

L01/04-Terminus Garabit

L01/04-Terminus Garabit

Né en Suisse de mère française et de père slovaque, Pascal Janovjak a enseigné le français au Moyen-Orient, au Bangladesh et en Palestine avant de poser ses valises en Italie. Il donne avec « le Zoo de Rome » (1) un livre très original. Tout en retraçant l’évolution de ce parc de 17 hectares idéalement bâti sur les hauteurs de la ville, il revisite l’histoire de l’Italie de 1911 à nos jours, y mêlant une histoire d’amour impossible elle aussi pleine de péripéties.

Le voyage dans le temps nous fait rencontrer des témoins de ce siècle anonymes mais originaux, à côté de personnalités comme Mussolini, le pape, Salvador Dali, Salman Rushdie ou les actrices de Cinecittà. Menacé de fermeture sous la pression des écologistes dans les années 1990 après avoir subi plusieurs crises graves, le « bioparco » accueille aujourd’hui 1 100 animaux de 200 espèces différentes. Parmi ceux-ci un tamanoir, ultime survivant de son espèce, qui fascine les deux amants improbables. Le zoo comme miroir d’un siècle troublé et révélateur d’une humanité fabulatrice.

Se rendre utile

Comment passe-t-on du statut de journaliste dans un grand magazine féminin (« Elle ») à celui d’agricultrice ? Pourquoi une jeune femme quitte-t-elle Paris et ses amis pour « s’enterrer » à la campagne ? Les réponses sont dans « Toucher terre » (2), très justement sous-titré « Retrouver sa nature », un livre dont le maître mot est sans aucun doute « sincérité ». Florence Besson a donc fini par céder à l’appel de la nature qui la taraudait et, pour savoir enfin pourquoi elle se lève le matin, elle est allée passer le « brevet professionnel pour devenir responsable d’une exploitation agricole ». Des difficultés et des crève-cœurs il y en a eu, qu’elle ne cache pas, pour trouver au bout du compte le bonheur. Folie que tout cela ? Plutôt « la tentative maladroite d’un être humain pour se rendre utile, pour redevenir un homme, une digne bête ».

Professeure agrégée d’économie et amoureuse de la nature, Sylvie Baron s’est établie dans le Cantal, où elle écrit des thrillers ancrés dans les territoires français. « Terminus Garabit » (3) participe à la lutte contre la fermeture de la ligne des Causses qui relie Béziers à Neussargues et passe par le viaduc de Garabit, par le biais du retour au pays, après vingt années d’absence, d’un Sanflorain qui enseigne désormais l’histoire et la géographie. Il découvre un territoire à l’abandon et retrouve son amour d’enfance, également menacée.

Réédité 32 ans après sa première parution, « la Vache » (4), du Suisse alémanique Beat Sterchi, avait été qualifié à l’époque de « sauvage, démoniaque et lent, magiquement poétique ». À travers le destin d’un immigré espagnol engagé par un brave paysan suisse pour prendre soin de son troupeau et qui, sept ans plus tard, est chargé aux abattoirs de tuer et de dépecer les bêtes qu’il choyait auparavant, l’auteur a écrit le grand roman réaliste du monde rural et de l’industrie alimentaire, où le sort du travailleur étranger a peu à envier à celui du bétail. Pour lui, le destin de Blösch, la vache qui fut la reine du troupeau et qui finit carcasse et viande impropre, est à l’image de celui de l’ouvrier étranger.

Au cœur de l'Amérique

Avec « Un silence brutal » (5), Ron Rash (qui a l’honneur, avec William Gay et Hervé Prudon, de marquer le retour de « La Noire », la fameuse collection de Gallimard) nous transporte à nouveau en Caroline du Nord, dans la contrée entre rivière et montagnes qu’il explore inlassablement depuis « Un pied au paradis ». Dans ce coin des Appalaches frappé par le chômage et où la meth fait des ravages, la dernière affaire que doit résoudre le shérif du comté, à trois semaines de la retraite, illustre l’effacement du monde ancien : du kérosène a été déversé dans l’eau de la rivière ; Tucker, un homme d’affaires qui monnaye fort cher à des citadins des parties de pêche en milieu sauvage, accuse Gerald, un vieillard amoureux des truites. Au-delà de l’intrigue banale, Ron Rash séduit par les valeurs qu’il défend et son art de sublimer la nature qui l’inspire.

Impénitent coureur du monde, l’Américain Richard Grant a passionné les lecteurs avec sa désastreuse descente du fleuve Malagarasi et son hallucinante odyssée dans la sierra Madre. Pour fuir l’air vicié de New York, il s’est installé avec sa compagne dans une vieille plantation près de Pluto, au cœur du delta du Mississippi, l’État le plus pauvre de l’Union et le plus décrié. Il raconte les mille et une péripéties de cette nouvelle aventure et ses rencontres avec des individus hors du commun dans « les Poissons-Chats du Mississippi » (6), un best-seller primé. Qui lui permet de tordre le cou aux stéréotypes grossiers et d’illustrer sa conviction que « le Mississippi est le secret le mieux gardé des États-Unis ».

Lorsque le directeur d’une succursale de banque se persuade que Daisy, la grosse femelle hippopotame du zoo de Cologne, est la réincarnation de sa fiancée morte cinq ans plus tôt et lorsque le directeur dudit zoo annonce son intention de se débarrasser d’elle pour la donner en pâture aux lions, l’aventure la plus improbable commence, imaginée par Björn Berenz dans « Sauver Daisy » (7) : le kidnapping du pachyderme et son transport rocambolesque jusqu’à une réserve au Kenya. Un cocktail d’humour, de romantisme et de sagesse.

(1) Actes Sud, 256 p., 19,80 €

(2) Flammarion, 312 p., 19 €

(3) Calmann-Lévy, 311 p., 19,50 €

(4) Zoé, 475 p., 22 €

(5) Gallimard, 257 p., 19 €

(6) Hoëbeke, 336 p., 24 €

(7) Albin Michel, 398 p., 19,90 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9737