Quand jouer peut guérir

La psychothérapie en actes

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Publié le 14/03/2016
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Idées-Psychodrame

Idées-Psychodrame

« Un peu oublié » et quelque peu caché par d'autres activités ou, pire, caricaturé, le psychodrame est masqué par l'improvisation théâtrale, le jeu de rôles ou n'importe quelle crise qui transforme votre salon en remake de « Qui a peur de Virginia Woolf ? »

Corinne Gal repart donc méthodiquement de son fondateur et de la structure des séances elles-mêmes. Né dans une famille juive sépharade, Jacob Lévy Moreno (1892-1974) a commencé son étonnante carrière à partir de deux idées. La vie nous enferme dans des rôles, souvent contre notre volonté, mais nous aimerions en jouer beaucoup d'autres – l'épicier rêve qu'il est explorateur ou astronaute. Deuxièmement, le jeu est une activité doublement libératrice, il nous met directement dans l'action et nous sort de la rumination du passé.

C'est ainsi qu'à Vienne, en 1921, Moreno commença à faire jouer des enfants, des prostituées, des émigrés. On voit que cette idée d'une « thérapie en actes » est doublement antifreudienne : on ne s'étend pas sur un divan et, selon la phrase du « Faust » de Goethe reprise par Moreno, « Au commencement était l'action ». On ne va pas se perdre dans le passé, on est ici maintenant, dans l'actuel.

Un moment de suspension

Au départ, il y a une grande salle, pouvant accueillir une dizaine de personnes. Dans le cas de Corine Gal, qui anime des séances de psychodrame depuis plus de 24 ans, la confrontation se fait avec des êtres présentant de très lourds symptômes. Elle doit proposer un jeu qui « embarque » vers l'inconnu. Elle reste debout à côté d'eux et tend la main : « Venez, on essaie ? » Tous les moyens sont bons, précise-t-elle, « sauf l'agressivité, la violence, l'obscénité ».

Voici Sophie. Elle joue à être un fil, elle est sur le fil, mais guettée par des gouffres ; elle ne le sait pas, mais elle crée de la poésie.

Le miracle du psychodrame c'est, dit Corinne Gal, « une sorte d'aparté, un moment de suspension où nous nous présentons sans être en représentation. C'est très privilégié de pouvoir l'éprouver et le vivre. »

« Le psychodrame, une expérience aussi forte que la vie », Odile Jacob, 256 p., 23,90 €.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9479