Écrivains et artistes sur la sellette

La réalité recomposée

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Publié le 15/05/2017
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L-JFK

L-JFK

L-Lettres choisies de la famille Bronte

L-Lettres choisies de la famille Bronte

L-Car si l'on nous sépare

L-Car si l'on nous sépare

L-Agatha

L-Agatha

L-Le pays de l'innocence

L-Le pays de l'innocence

« Le Pays de l’innocence - Enfance et adolescence de François Mitterrand » (1) reprend, illustré par une centaine de photos inédites, le texte écrit par Frédéric Mitterrand pour un documentaire diffusé en février sur la chaîne LCP. En s’appuyant sur les récits de son père, qui était l’aîné d’un an du président, le neveu évoque, à la première personne, la prime jeunesse de François Mitterrand, ses racines provinciales et catholiques, la maison familiale de Jarnac, ses premières affections, ambitions et émotions.

L’innocence, en revanche, n’est pas de mise dans « Lettres cachées de François M. à Anne » (2), un recueil qui rassemble une correspondance fictive et humoristique inventée par Laurent Gerra et Pascal Fioretto et qui a déjà fait les beaux jours de la radio. Sous-titré « Les aventures de Tonton », l’ouvrage revisite en fait, sous le prétexte d’aventures sentimentales, vingt ans de vie politique.

À la veille du centenaire de la naissance de John Fitzgerald Kennedy et loin de la légende dorée, « JFK. Une histoire sexuelle » (3) donne du 35e président des États-Unis, assassiné à Dallas en 1963, une image bien peu glamour : celle d’un malade sexuel, à la libido « dangereusement hypertrophiée jusqu’aux lisières de la maniaquerie sexuelle ». George Ayache revient, photographies à l’appui, sur les nombreuses liaisons de « Jack », longtemps occultées par les journalistes comme par les historiens. 

En 1926, l’année où paraît « le Meurtre de Roger Ackroyd », où sa mère décède et où son mari demande le divorce, Agatha Christie, alors âgée de 36 ans, disparaît on l’a retrouvée onze jours plus tard dans un hôtel du Yorkshire, sans qu’elle semble se souvenir de rien. Amnésie ou folie passagère, drame conjugal, opération publicitaire ? Dans « Agatha » (4), Frédérique Deghelt s’empare de cet épisode, que la romancière n’a jamais explicité, pour se demander ce qui se passe dans la tête d’un auteur lorsque, incapable d’écrire, il transforme sa vie en fiction.

Née dans le Yorkshire, Lisa Stromme vit avec sa famille en Norvège, non loin d’Äsgardstrand, le petit village côtier où Edvard Munch passait ses étés avec d'autres artistes. Cela lui a inspiré son premier roman, « Car si l’on nous sépare » (5), dans lequel elle réinvente la genèse du « Cri », le célèbre tableau commencé par le peintre norvégien en 1893. Mêlant des personnages réels à des êtres de fiction, telle Johanne, une fille pauvre et ordinaire introduite brusquement dans l’univers des peintres extraordinaires, le livre nous entraîne à travers cette vaste galerie d'émotions qu’est l’art de Munch.

Près de 300 lettres (sur un millier recensées) échangées entre les Brontë sont réunies dans « Lettres choisies de la famille Brontë - 1821-1855 » (6). Cette correspondance inédite permet d’embrasser, en un seul ouvrage et sous un jour nouveau, les vies et les personnalités d’Emily et d'Anne, de leur frère Branwell et de leur père, le pasteur Patrick Brontë, et bien sûr de Charlotte (l’auteure de « Jane Eyre »). Écrits depuis la cure de Haworth et ses landes natales, où cette dernière a mené une vie de réclusion et a veillé les siens dans leurs derniers instants, ces écrits confirment que, pour elle, l’expression ne doit pas dépasser la pensée, ni la carrière la vie de famille.

Il fallait un écrivain et journaliste engagé comme Gérard Guégan pour mettre en scène un mélodrame tel que « Hemingway, Hammett, dernière » (7), qui invente l’ultime rencontre du baroudeur et témoin avec l’auteur qui a révolutionné le polar. Amis dans les années 1930, où ils ont flirté avec le communisme, ils se sont fâchés après la guerre. Peu de temps avant leur mort en 1961 (l’un en se suicidant, l’autre vaincu par l’alcool et la tuberculose), Ernest Hemingway a voulu se réconcilier avec Hammett. Il en résulte une rencontre humaine, littéraire et politique poignante, placée sous le signe du remords, qui recouvre plusieurs décennies d’histoire et de vies menées sous la surveillance du FBI.

Beaucoup moins connu, Robert McAlmon fut le premier éditeur d'Hemingway et bien plus que cela, comme on le découvre dans « la Nuit pour adresse » (8), qui fait revivre à travers lui l’âge d’or du Montparnasse des années 1920. Marié à la fille (homosexuelle) d’un richissime homme d’affaires britannique, il a été le parrain des Américains expatriés à Paris, un éditeur incontournable, un auteur reconnu par tous, l’ami des artistes. Mais sans reconnaissance en retour. Maud Simonnot tente d’élucider le mystère de l’effacement de cet homme qui fut le parrain d’une génération littéraire et qui est mort seul dans la misère.

(1) Robert Laffont, 140 p., 19 €
(2) Flammarion/Librio, 68 p., 5 €
(3) Rocher, 215 p., 18,90 €
(4) Plon, 259 p., 16,90 €
(5) HarperCollins, 327 p., 19,90 €
(6) Quai Voltaire, 617 p., 25 €
(7) Gallimard, 230 p., 18 €
(8) Gallimard, 253 p., 20 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9581