Les beaux et les autres

La tyrannie du look

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Publié le 10/10/2016
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On se plaît à citer les grandes qualités culturelles et morales d'Untel, quand ce n'est pas sa « beauté intérieure ». Mais soyons sérieux, s'exclame Jean-François Amadieu, jamais l'apparence physique n'a été plus importante qu'aujourd'hui, du simple fait des réseaux sociaux, qui offrent mille raisons de montrer sa binette. « Il suffit de taper sur un moteur de recherche le nom de quelqu'un pour qu'apparaissent instantanément son visage et souvent le reste de son corps. Charger et partager des photos et des vidéos est devenu l'activité numéro 1 sur Internet. »

Le fait de pouvoir apparaître soi-même sur les réseaux avive l'obsession de son propre look, créant une société de narcissiques et d'illustres reconnus. Il en résulte le privilège de certaines qualités. On ne sera pas très surpris d'apprendre qu'il vaut mieux être jeune, mince, séduisant et, pour les femmes, blondes – le stéréotype de la blonde superficielle et bêtasse n'arrive pas à contrebalancer la séduction glamoureuse des blondes. Tout ceci est détaillé de façon extrêmement savoureuse et illustré par de nombreux tableaux et graphiques empruntés, ce n'est pas non plus une surprise, à des recherches made in USA.

Il vaut aussi mieux parfois être blanc que café au lait ou noir. Il est également déconseillé d'avoir un look pataud ou de se mouvoir sans grâce, et bien sûr d'être d'une façon ou d'une autre handicapé.

Les exemples abondent dans la vie quotidienne de rejet ou de mise à l'écart : il y a ceux qui n'ont pas le faciès souhaité pour entrer dans la boîte de nuit, ceux qui doivent payer une place supplémentaire dans l'avion (là encore exemple américain) ou encore ceux qui ne sont plus assurés en raison de leur âge. Accordons le pompon d'honneur à ce cas révélé naguère dans « le Canard enchaîné », d'un restaurant reléguant au fond de la salle les clients au physique disgracieux.

Que faire contre une société qui privilégie le superficiel ? Rien d'autre que légiférer, dit l'auteur. Peu de Français le savent, en 2005, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations a inscrit l'apparence physique comme motif à poursuites.

« La Société du paraître », Odile Jacob, 256 p., 22,90 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9524