À la demande pressante de Van Gogh, après une correspondance de quelques mois et l'échange d'un autoportrait, Gauguin est venu à Arles en octobre 1888. Les deux hommes travaillent, boivent de l'absinthe, fréquentent les cafés et les maisons closes tout en créant des œuvres exceptionnelles. Mais leurs personnalités sont trop différentes et leur complicité tourne à l'affrontement, jusqu'au dramatique épisode de l'oreille coupée. Martin Gayford, écrivain et professeur d'histoire de l'art à l'université de Buckingham, raconte ces neuf semaines de confrontation entre deux génies dans « la Maison jaune » (1), en même temps qu'il nous fait pénétrer dans le secret de la création. Enrichi d'une quarantaine de reproductions de tableaux des deux peintres, un récit aussi palpitant qu'un thriller, qui conduit au cœur de l'intimité des hommes et de l'art.
Le suspense est aussi une clé de la réussite du premier roman de Hannah Rothschild. Cette spécialiste de l'art (elle est la première femme à diriger le conseil d'administration de la National Gallery de Londres) met en scène la vente aux enchères du tableau d'Antoine Watteau qui donne son titre au livre, « l'Improbabilité de l'amour » (2). Une toile (fictive) disparue et retrouvée par hasard dans une brocante par une jeune femme curieuse de son histoire, depuis l'atelier du peintre au XVIIIe siècle. Aristocrates, excentriques, marchands d'art, experts et collectionneurs forment une galerie de portraits pertinents, avec en filigrane un débat sur la valeur que l'on donne aux choses, dans le monde de l'art ou dans celui des relations humaines.
Le suspense toujours est au cœur de « Sombre vallée » (3). Le personnage principal est un peintre qui arrive un soir dans un village isolé des Alpes bavaroises. Chacun, et en particulier la famille qui règne en maître sur la région, suit avec méfiance les errances du jeune homme dans la vallée pour croquer le paysage. Surtout lorsque les morts s'enchaînent. Ce roman de Thomas Willmann, journaliste spécialisé en musicologie, est paru en 2010 et a été adapté au cinéma en 2014, mais ni le livre ni le film n'étaient sortis en France. Un récit sombre et rugueux qui renoue avec les codes du western – façon outre-Rhin.
Figure de proue de la littérature israélienne contemporaine, Avraham B. Yehoshua met en scène dans « la Figurante » (4) une harpiste exilée aux Pays-Bas, qui, au faîte de sa carrière, revient pour des raisons familiales à Jérusalem. Elle redécouvre un quartier désormais dominé par les Juifs hyperorthodoxes, tout de noir vêtus, confits en dévotion, barricadés derrière la Torah – que l'auteur ne se prive pas de dépeindre avec sarcasme. La jeune femme, libre de toute contrainte, se suffit des rôles de figurante dans des films de seconde zone que lui déniche son frère. Le temps de se libérer des spectres de son passé et de retourner vers la musique. Car après tout, « nous ne sommes, tous, que des figurants d'une intrigue »
D'un pays l'autre
Signé Mitch Albom, « la Guitare magique de Frankie Presto » (5), récit transcendé par le merveilleux, s'est classé dans les quatre meilleures ventes lors de sa sortie aux États-Unis. Un orphelin, élevé en Espagne par un professeur de musique aveugle, embarque à 9 ans sur un bateau pour l'Amérique, devient le plus grand musicien de son temps et va influer sur l'histoire, notamment de la musique. Exemples à l'appui. Mais le don de Frankie Presto est également son plus lourd fardeau dans un destin hors du commun, traversé par une histoire d'amour faite de retrouvailles et de séparations et rempli de multiples aventures.
Originaire du pays basque espagnol et revenu à Bilbao après avoir passé une dizaine d'années en Irlande et aux Pays-Bas, Mikel Santiago situe l'intrigue de « la Dernière nuit à Tremore Beach » (6) dans ce coin perdu de la côte irlandaise, où un compositeur de musiques de film, réputé mais déprimé, est venu se ressourcer. Après avoir été frappé par la foudre, il fait de sanglants cauchemars récurrents, dont de plus en plus de détails se réalisent le jour. Un lieu isolé, des tempêtes violentes, une petite communauté curieuse mais qui préserve ses secrets, un héros qui ne sait plus ce qui relève de l'hallucination ou de la réalité : tous les ingrédients sont réunis pour tenir le lecteur en haleine jusqu'au déchaînement final.
Imaginez un livre dont la moitié des pages est constituée de cadres grisés et vierges : c'est ainsi que se présente « Shots » (7), le roman de Guillaume Guéraud, auteur connu de livres pour adolescents : le texte est constitué d'une succession de légendes de photos qui ont toutes disparu. Comme a disparu le frère du photographe amateur. De 1981 à 2014 et de Marseille à Miami, l'album est la traque de ce frère depuis l'enfance et de l'enquête à travers Little Havana et Key Biscayne ; entre souvenirs de famille, petite délinquance et méchants grands bandits d'aujourd'hui, vaudou haïtien et extrême-droite cubano-américaine à l'appui. Une matière certes lourde, mais il faut reconnaître qu'on n'a pas de mal à visualiser les scènes décrites et à les insérer dans les cadres !
Anna Quindlen est une journaliste (prix Pulitzer en 1992 pour ses éditoriaux du « New York Times ») qui a basculé dans la fiction ; l'héroïne de son 8e roman, « Nature morte aux miettes de pain » (8), est une photographe qui a connu la célébrité et qui est maintenant ignorée et ruinée. D'où sa décision, la soixantaine venant, de quitter New York… et son erreur d'acquérir, sans prendre la peine de l'examiner, un cottage qui se révèle délabré. La découverte de la vie campagnarde par une citadine gâtée, un thème rebattu, compensé par le charme du personnage et l'optimisme des sentiments. Car, ici, l'art et l'amour renaissent en même temps.
(1) Anne Carrière, 270 p., 23 €
(2) Belfond, 701 p., 23 €
(3) Belfond, 337 p., 20,50 €
(4) Grasset, 399 p., 22 €
(5) Kero, 423 p., 19,90 €
(6) Actes Sud, 334 p., 22,50 €
(7) Rouergue, 278 p., 19,80 €
(8) Belfond, 287 p., 20,50 €
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