COMME EN TÉMOIGNE le patron de l’équipe Cofidis, Éric Boyer (lire ci-dessous), le Dr Jean-Pierre de Mondenard fut un des médecins pionniers de la lutte antidopage. Dans son dernier livre (lire encadré), il remonte carrément au premier Tour de France, en 1903, que remporta un certain Maurice Garin, vainqueur sans peur, mais non déjà, révèle-t-il, sans reproche. Quant à lui, passionné de sport depuis toujours, c’est tout naturellement qu’il passa en 1972, à la faculté de Toulouse, un CES de médecine du sport. Une spécialité alors « en pleins balbutiements, se souvient-il, hyperthéorique et coupée des réalités aussi bien physiologiques que pratiques ».
Dès la fin de ses études, ce fils et frère de pasteur de l’Église réformée va se lancer dans l’évangélisation : « À travers la région Midi-Pyrénées, où j’exerçais comme conseiller technique régional et médecin fédéral, dans les arrière-salles de café, je haranguais les coureurs sur les règles en matière de nutrition et d’entraînement, sur les produits à bannir. Dès cette époque, j’ai pu constater que le doping, comme on disait, était hyperprégnant. »
Son combat, apparemment, porte ses fruits : dans sa région, le taux de positifs est bien supérieur à la moyenne. Simplement, estime-t-il, parce qu’il booste le contrôle plus qu’ailleurs, malgré le peu de soutien des commissaires de course et des cadres dont il est devenu la bête noire. Dès qu’il arrive quelque part, les coureurs s’échappent et mettent la flèche, c’est-à-dire qu’ils sortent de la course pour tenter de lui échapper.
Comme il n’avait pas d’appétence à jouer les gendarmes, dès 1974, il change de braquet et embraye sur l’Institut national des sports. Au sein du service médical, il se passionne pour le suivi physiologique, la surveillance de l’entraînement, ou la diététique, s’impliquant dans de multiples disciplines (course de fond, judo et bien sûr cyclisme).
En1973, le Tour de France l’embauche aux contrôles. Mais, lors de l’édition suivante de la Grande Boucle, le vent tourne : « Le déclic, raconte-t-il, ce sera l’arrivée à l’étape de Caen : le Hollandais Carsten, maillot jaune et deuxième du jour, se dérobe au prélèvement urinaire sans être inquiété par les organisateurs, qui l’autorisent à partir le lendemain sans pénalité. Des épisodes analogues se renouvellent dans plusieurs épreuves. Si bien que ma religion est faite : sans vouloir jouer les incorruptibles, je constate que la simple volonté de faire correctement mon boulot est incompatible avec l’appartenance au milieu sportif. »
Décodeur.
Pour prévenir tout risque de conflit d’intérêt, 1975 sera son dernier Tour. En 1979, il visse sa plaque de médecin du sport en banlieue parisienne et largue les amarres avec l’INS. Il n’a plus aucun lien avec la FFC (dont il fut secrétaire général de la commission médicale), ni avec aucune instance sportive. Commence alors une nouvelle évangélisation, celle du grand public : « Considéré à juste titre comme un franc-tireur en dehors du système, sans langue de bois des officiels, je n’ai plus cessé d’assurer, en homme libre, une mission de salubrité publique : le décryptage des réalités du sport. Je suis devenu un décodeur. »
Suivront, en une trentaine d’années une quarantaine d’ouvrages dédiés à la médecine du sport, dont 14 consacrés au cyclisme et 9 au dopage. Parmi eux, en 2004, le célèbre « Dictionnaire du dopage », « 1 300 pages, résume-t-il, 1,3 kg, 30 ans de recherches accumulées et trois ans de travail de rédaction ». Sa Bible, dont beaucoup attendent la mise à jour*.
« Le grand mérite de Mondenard, souligne le Dr Gabriel Dolet, ex-responsable de la section antidopage au bureau médical du ministère de la Jeunesse et des Sports, aujourd’hui directeur du département médical et antidopage de l’IAAF (Fédération internationale d’athlétisme), c’est qu’il a été parmi les tout premiers à mettre le doigt sur les problèmes et à faire œuvre de vulgarisation, aussi bien auprès du grand public que pour les médecins non spécialistes. Il est sur deux fronts à la fois, qui lui permettent de se positionner comme quelqu’un qui sait ce qu’il dit : des enquêtes, qui rapportent des éléments cachés qu’il a réussi à débusquer, et des analyses scientifiques documentées, appuyées sur des références bibliographiques incontestables. »
Évidemment, celui qui a choisi d’être « in » structures sportives, juge que son confrère qui a décidé d’exercer « out » suscite « des réactions diverses. Le milieu sportif dirigeant peut être incommodé par les oukases d’un médecin qui met inlassablement ses connaissances au service de la nécessité de divulguer », note-t-il.
Soit, mais, demande Éric Boyer, « qui commet le plus grave tort, de celui qui commet la triche ou de celui qui la dénonce ? »
Non à toutes les triches.
Le fait est que l’actuel contexte de conflit ouvert entre l’UCI (Union cycliste internationale) et l’AFLD (Agence française de lutte antidopage) semble donner raison au médecin imprécateur, dans sa dénonciation radicale du système. « Il est un peu péjoratif dans ses interprétations, commente le Dr Dolet, mais qui peut rester naïvement optimiste aujourd’hui, alors que la conjoncture de crise économique est encore un facteur aggravant ? »
« Le problème de la triche doit être maintenant posé dans sa globalité, martèle le Dr de Mondenard. On ne peut pas s’en tenir qu’à la main de Thierry Henry. Il faut être bien conscient qu’en raison de l’existence chronique de produits dopants indécelables, le combat de l’antidopage est forcément voué à l’échec. Il n’y a pas de raison que cela change, ni pour le Tour 2010, ni pour les suivants. »
Sa passion du sport n’a pas molli : coureur à pied assidu, randonneur pédestre chevronné, il revendique, à raison de 400 km pédalés par semaine, 227 000 km et plus de 13 000 ascensions de col à son compteur personnel.
* Elsevier-Masson, 99 euros.
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