DIFFICILE d’éviter la longue cohorte des théories et des attitudes à travers l’histoire des idées, suite excitante, ballet où tantôt le corps tantôt l’âme prend le dessus. Exposition d’idéalisme avec Platon, mais libertine reprise en main avec Crébillon, puisque, comme le chantait Brel, « il faut bien que le corps exulte ». De fait, il s’agit surtout de l’exposition de la vaste culture de l’auteur en ces matières.
L’amour est insaisissable, il tend vers l’absolu. C’est fou le nombre de théoriciens qui ont voulu attraper l’enfant de Bohème et le faire connaître par des lois. L’une des plus célèbres de ces lois est attachée aux noms de Darwin et de Schopenhauer : l’amour ne serait qu’une ruse de l’espèce pour se perpétuer, l’attrait du partenaire ne serait que le miroir aux alouettes permettant à l’humanité de ne pas dépérir.
D’où le « Cherchez la femme », être qui assure l’effectivité de l’idée. Ce sont les femmes qui ont inventé l’amour. Par faiblesse et besoin d’un protecteur pendant la maternité. Elles furent dans la nécessité, pour s’attacher la force du mâle, d’associer au rapport sexuel le sentiment amoureux.
Le maillon faible.
C’est précisément ce sentiment amoureux qui est aujourd’hui le maillon faible de notre époque, dit Yann Dall’Aglio, dans ce qui constitue le meilleur de ses analyses. Il n’est pas nécessaire de s’inquiéter du sort de la drague actuelle, dit-il, « chaque jour, des millions de corps se croisent avec dans le regard une lueur d’accouplement ». L’auteur reprend sans grande originalité l’idée houellebecquienne du sexe conçu suivant les lois du marché capitaliste. Le PUA (« pick up artist », en termes délicats le grand leveur de meufs) doit rentabiliser très vite ses talents et ne jamais s’attacher. Ajoutons la symbolique du texto « Je t’m » et le rôle des réseaux Internet à un tableau un peu convenu d’un amour émietté dans le culte de l’instantanéité et de la rentabilité.
Cessons de confondre l’amour avec le désir et la chasse, dit l’auteur. Ce qui est vraiment en cause, c’est que « nous vivons avec l’image ancienne de l’amour... avec sa nostalgie, faute de réalité ». Ceci, en grande partie, parce que devenus trop narcissiques et trop intelligents pour céder la sentimentalité. C’est ainsi que « les jeux sélectifs de la séduction impliquent une vigilance, une démonstration de force et d’autonomie qui excluent tout abandon à autrui ».
C’est le point fort d’un livre attachant mais qui veut trop en dire et se croit obligé vers la fin de célébrer le couple éternel après avoir jeté sous nos pas toutes les impasses du grand sentiment. Ne peut-on pas en rester à ce qu’écrit Cesare Pavese avant de se suicider : « On se tue parce qu’un amour, n’importe quel amour, nous révèle dans notre nudité, dans notre état désarmé, dans notre néant. »*
Yann Dall’Aglio, « J T’M », Flammarion, « Antidote », 116 p., 8 euros.
* « Le Métier de vivre », 25 mars 1950.
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