Blanc-becs contre vieux schnocks ?

Le flou des générations

Par
Publié le 13/02/2017
Article réservé aux abonnés
Idées-Guerre des générations

Idées-Guerre des générations

Le sociologue et le philosophe-apiculteur très apprécié font la longue liste des « polémistes de l'âge » et montrent une légitime irritation, celle que l'on a devant les scies et vieilles lunes jamais vraiment questionnées. Aussi mettent-ils en scène deux positions cristallisées, entre l'enquête sociale et le râleur de comptoir.

Pour les uns, notre univers ultralibéral et consumériste verrait disparaître toute espèce de solidarité : les tranches d'âges se referment sur elles-mêmes, les oppositions s'enflamment, c'est la guerre des âges. « Elle opposera les jeunes dont notre société organise "le massacre économique" aux vieux qui, repus, satisfaits et majoritaires, tirent désormais les ficelles et les marrons du feu. »

Un scénario voisin, tout aussi pessimiste, se centre sur l'opposition actifs et inactifs. Soit 12 millions de personnes, sur 66 millions de Français, représentant la génération intermédiaire pourvue de jobs et de bons salaires, qui s'attachent à empêcher les jeunes d'entrer et à pousser les vieux dehors. Sympathique, non ?

Contre ces analyses qui avivent les oppositions, les auteurs du livre, dont la formulation même du titre tue un peu le suspense, se plaisent à montrer le flou des attitudes. En 2012, les protestations contre le « mariage pour tous » envahissent rues et médias. Or ce mouvement n'est pas forcément celui de la France réac, âgée, conservatrice : les jeunes apparaissent aux premières loges.

De fait, c'est aussi parce qu'ils maîtrisent mieux les réseaux sociaux et jouent sur les codes médiatiques. À ce sujet, les auteurs plaident pour un Internet réducteur des blocs d'âge et du fossé qui les sépare.

Ce que l'ouvrage établit avec force, c'est que « nous ne sommes pas réductibles à une identité unique. Ni notre âge, ni notre génération, pas plus que notre origine sociale, nos croyances religieuses ou notre sexe ne peuvent seuls nous définir. »

Nous sommes tout cela en fait. L'enjeu concernant notre sujet, c'est le partage, la coopération, la création de quelque chose de riche que Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot nomment « l'intergénération ». À cette notion correspond la forme de relation humaine qui peut éviter la hiérarchisation, l'affrontement entre les générations.

« Wishful thinking », disent les Anglo-Saxons. On peut sans trop de fatigue brosser le tableau d'une relation idéale et réussie. Mais les cinquantenaires poussés sur le bas-côté et les jeunes qui frappent en vain à la porte de Pôle Emploi continuent de grincer.

* Calmann-Lévy, 240 p., 17 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9555