IL N’EST PLUS BESOIN, pour jouir des dernières tendances de la danse contemporaine, de fréquenter exclusivement les deux grandes salles de taille inhumaine que sont le Théâtre de la Ville ou le Théâtre national de Chaillot. Des salles plus petites invitent des spectacles audacieux, comme ce « Swan Lake », dont on imagine que, sans un certain degré de frilosité des institutions, il aurait dû être présenté dans les dites salles.
Créé en Afrique du Sud en 2010, ce spectacle d’une heure, réalisé pour 12 danseurs, reprend le cœur de l’histoire du « Lac des cygnes », de Petipa et Tchaïkovsky, à savoir la valse-hésitation du prince Siegfried entre les deux facettes du cygne, blanc pour la pureté et noir pour le maléfice. Depuis longtemps, ce que l’on sait ou suppose de la sexualité de Tchaïkovski a mené à des interprétations homosexuelles du mythe, la version la plus célèbre étant celle de Matthew Bourne, un « Swan Lake » également, qui a fait le tour du monde. Mais même les versions de Rudolf Noureev soulignaient d’un trait discret, lisible pour qui voulait y croire, cette duplicité sexuelle.
Ici, on l’aura compris, Siegfried, qui est noir, se refuse à épouser, comme cela a été arrangé par les familles, le cygne blanc et féminin, et craque pour le masculin cygne black croisé sur son chemin. Cela pourrait faire sourire chez nous aujourd’hui, tant le métissage est devenu culturel et le mariage une chose « pour tous ». En Afrique du Sud, même en 2010, où perdurent homophobie et tabous sur l’homosexualité et le sida, ainsi que le mariage arrangé et forcé, il a fait figure d’acte de courage.
Un ensemble détonant.
Dada Masilo, 28 ans, née dans le township de Soweto, rêvait depuis l’enfance de danser le rôle du Cygne, pas vraiment destiné à une danseuse à la peau noire. Après un passage chez Anna Teresa de Keersmaeker, à Bruxelles, elle s’est orientée vers une chorégraphie dépouillée de références intellectuelles pesantes, qui consiste à rapprocher les histoires, particulièrement les grands classiques, d’un public non cultivé. Réussite totale avec ce spectacle accessible à tous et à plusieurs degrés de lecture et qui, moyennant quelques maladresses, garantit, par sa concision, clarté et concentration. On n’en dévoilera pas toutes les ficelles. On dira seulement qu’il mêle les basiques de la danse classique, ses pointes, ses tutus, un minimum de pantomime, un clin d’œil au music-hall, le tout épicé d’une forte dose de parodie et d’ironie, aux danses tribales zoulous de son pays d’origine.
La troupe est époustouflante. Les danseurs et danseuses, aussi disparates que possible, forment un ensemble détonant. Le mélange des musiques, qui convoque évidemment le « Lac » princeps mais aussi « le Cygne » de Saint-Saëns et des compositeurs plus planants, comme Arvo Pärt ou Steve Reich, est un support parfait et exploité avec la plus grande fantaisie, une incroyable virtuosité et une frénésie de tous les instants. À savourer, non comme une variation de plus sur ce thème éternel, mais comme le reflet d’un problème de société et de civilisation.
Paris, Théâtre du Rond-Point (tél. 01.44.95.98.21, www.theatredurondpoint.fr), jusqu’au 6 octobre, à 18 h 30, places de 11 à 36 euros. Élancourt (78), le 11 octobre. Lyon, Maison de la Danse, du 13 au 17 novembre. Noisy-le-Sec (93), le 23 novembre.
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