Au départ, François Ozon voulait faire un film sur la fragilité masculine. Puis il a découvert l'affaire Preynat, ce prêtre accusé d'avoir abusé de nombreux enfants dont il avait la charge et qui n'a été écarté par l'Église que longtemps après la révélation des faits. Il a découvert surtout la Parole libérée, l'association créée par des victimes, avec les témoignages de vies bouleversées et le combat pour que l'institution catholique reconnaisse les torts perpétrés et les souffrances subies.
Le cinéaste a mené son enquête, parlé longuement avec des victimes, leurs familles, leurs avocats. Chemin faisant, il a renoncé au documentaire, en partie parce que ces hommes blessés, qui étaient déjà intervenus maintes fois dans les médias, avaient plutôt envie de personnages de fiction dans un film à la « Spotlight ». Et son récit superbement construit a une redoutable efficacité psychologique et émotionnelle qu'aurait difficilement pu atteindre un montage de témoignages.
Car c'est un suspense que met en scène « Grâce à Dieu ». Qui commence quand un catholique pratiquant, abasourdi de découvrir que le prêtre qui abusait de lui quand il était scout officie toujours auprès d'enfants, cherche à savoir du côté de Mgr Barbarin comment cela est possible. En suivant le fil, en passant d'une victime à l'autre, Ozon, qui se défend d'avoir fait un film à charge contre l'Église, dévoile tout ce qui est ainsi libéré, les tourments intimes, les culpabilités, reconnues ou pas, de ceux qui se sont tus (les institutions religieuses mais aussi les familles) et les interrogations sur le pardon et la foi.
Un film très fort, remarquablement servi par ses acteurs, Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, qui personnifient les victimes, François Marthouret en cardinal Barbarin et Bernard Verley dans le rôle ingrat mais ambigu du père Preynat.
On attend le verdict concernant le cardinal Barbarin le 7 mars et le procès du père Preynat à la fin de l'année, la date n'étant pas encore fixée. La demande de report de la sortie de « Grâce à Dieu » déposée en référé par l'avocat du prêtre a été rejetée lundi, compte tenu notamment du rappel au début et à la fin du film de la présomption d'innocence.
L'empire de l'argent
Du « Déclin de l'empire américain » à sa « Chute », plus de trente ans se sont écoulés, mais Denys Arcand n'a rien perdu de sa verve, ni de sa volonté d'en découdre avec des sociétés soumises au pouvoir de l'argent et à la recherche du plaisir individuel, indifférentes à la souffrance des laissés pour compte. On peut le trouver naïf, voire ringard dans son plaidoyer pour le partage, mais son polar est aussi réjouissant que réconfortant.
Il est toujours bavard, certes, le cinéaste québécois, avec une virtuosité qui est parfois davantage dans les bons mots que dans les mouvements de caméra. C'est l'un de ses charmes, avec une imagination qui permet d'inventer d'improbables rebondissements et des retournements de situation qui donnent du rythme à son film.
Le héros en est un trentenaire philosophe (il a un doctorat), qui s'est fait livreur pour gagner correctement sa vie et par ailleurs se démène pour les sans-abris et pauvres de Montréal. Sa route va croiser des sacs de billets, une superbe escort girl qui cite Racine, un ex-taulard bien informé sur la finance et un avocat d'affaires qui sait comment faire voyager l'argent… On en a déjà trop dit. Suivez Pierre-Paul dans sa découverte du monde de la richesse, et de ses jeux dangereux.
Et aussi
Parmi les autres sorties de la semaine, « le Chant du loup », d'Antonin Baudry (ancien diplomate, scénariste de « Quai d'Orsay », la BD et le film), avec Mathieu Kassowitz, Omar Sy, Reda Kateb, François Civil et des sous-marins nucléaires. Et « Destroyer », de Karyn Kusama, pour découvrir une Nicole Kidman méconnaissable en détective confrontée à un gang californien.
Du suspense aussi, un peu, avec la soirée des Césars, ce vendredi (en direct sur Canal+). Les favoris sont une comédie, « le Grand Bain », de Gilles Lellouche, et un drame, « Jusqu'à la garde », de Xavier Legrand, 10 nominations chacun et qui les méritent. Mais on aimerait que « la Douleur », belle adaptation par Emmanuel Finkiel du récit de Marguerite Duras, et « Guy », portrait délicat d'un chanteur pas très célèbre par Alex Lutz ne soient pas oubliés. Invité de marque, Robert Redford recevra un César d'honneur.
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