À découvrir dans deux musées parisiens

Le peintre voyant, les dessins du MAD

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Publié le 13/10/2020

Trop longtemps restés dans l’ombre, ils réapparaissent sur la scène parisienne : un surréaliste à part, Victor Brauner, au Musée d’Art Moderne de Paris, et 500 dessins parmi les 200 000 du Cabinet des dessins du Musée des Arts Décoratifs. Une première!

« La Rencontre du 2 bis rue Perrel »

« La Rencontre du 2 bis rue Perrel »
Crédit photo : ADAGP 2020

* « Je suis le rêve. Je suis l’inspiration », ainsi s'intitule l'exposition consacrée à Victor Brauner (1903-1966) au MAM PARIS (1). Peintre en perpétuel renouvellement, l'artiste roumain crée un monde unique, coloré, peuplé d'êtres fantastiques.

Dès l'enfance, son univers tourne autour du spiritisme, de la magie, de l’ésotérisme. Mais après des études à l’école des Beaux-Arts de Bucarest, il associe au sein de l’avant-garde radicale l’imagerie populaire dans des constructions cubistes et constructivistes, des corps déconstruits et mécaniques.

La rencontre de Brauner avec le surréalisme se fait à Paris lors de ses voyages en 1925 et 1930. Son autoportrait prémonitoire de 1931, où il se représente énucléé – ce qui surviendra lorsqu’il s’interposera dans une rixe entre surréalistes en 1938 – est pour André Breton « un hasard objectif » et dès lors l est considéré comme « le peintre voyant ». D’autant plus qu’en 1934 il dénonce avec un dictateur grotesque la montée des nationalismes en inscrivant sur un dessin « Partout LA MENACE ! LA MORT ».

Juif, antifasciste, réfugié clandestin en France pendant la guerre, le peintre est alors dans un extrême dénuement, mais cette période est une de ses plus créatives. Avec un dessin à la bougie, il associe ses inspirations roumaines, la littérature romantique, l’alchimie, la Kabbale, les arts primitifs, le motif de l’œil, pour créer des chimères animales, végétales et humaines. Dans les dessins et plâtres du « Congloméros », contraction de « conglomérat » et « Éros », il réunit autour d’un corps de femme deux corps céphaliques d’hommes, qu’il confrontera à « la Charmeuse de serpent » du Douanier Rousseau dans « la Rencontre du 2 bis rue Perrel », lorsque, de retour à Paris, il s’installe dans l'ancien atelier de ce dernier.

Ayant pris la défense de son ami Roberto Matta, Victor Brauner est exclu du groupe surréaliste en 1948. Ses quinze dernières années s’enrichissent de la psychanalyse et de l’art brut. Pour Sophie Krebs, la commissaire de l’exposition, « c’est une quête de son être intérieur en résonance avec l’univers qui semble le guider ». Lui proclamera : « Mais qu’on ne dise pas que je suis un peintre surréaliste : ça n’existe pas ! Il y a seulement une certaine peinture qui correspondait aux recherches des surréalistes. »

Une très riche collection

* « Le dessin sans réserve » au Musée des Arts Décoratifs (2) : la richesse et la variété de la collection du Cabinet des dessins dans un parcours sous forme d’abécédaire. A comme Architecture, D comme Décor, M comme Mobilier, P comme Paysages, R comme Recevoir, S comme Séduire, T comme Textile, V comme Vie parisienne…

Dans la collection constituée dans les années 1880 et régulièrement enrichie par des achats (dessins des meubles de Boulle) et des dons (Philippe de Chennevières, Rodin, Jean Dubuffet), des pièces uniques voisinent avec des séries (papiers peints Art Nouveau, pochoirs japonais, bijoux Art Déco). Il y a les grands maîtres (Le Brun, Watteau, Fragonard, Degas), les décorateurs (Chareau, Royère), la haute-couture (Poiret) et aussi les jardins, la sculpture, l’orfèvrerie… Six siècles de création des plus grands maîtres et créateurs, de la Renaissance à nos jours.

 

(1) Jusqu'au 10 janvier, mam.paris.fr

(2) Jusqu'au 31 janvier madparis.fr

 

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin