Connu du grand public grâce à l'émission de France Inter « Sur les épaules de Darwin », le médecin chercheur Jean-Claude Ameisen, président d'honneur du comité d'éthique, possède un grand talent : construire un pont entre l'histoire du vivant et celle des sociétés.
Partant de Darwin, il nous conduit vers l'étrange capacité des cellules à s'autodétruire. Les outils moléculaires doivent être contrôlés par d'autres « capables d'en atténuer les effets destructeurs ». Il rappelle que nous sommes des sociétés cellulaires interdépendantes dont les composantes sont fragiles. Évoquant une partie de sa famille disparue à Mauthausen, il montre que tout vivant porte en lui « l'empreinte de ce qui a disparu ». « Nous naissons avec les morts », dit-il, citant T. S. Eliot.
Seul l'ordre alphabétique semble justifier le passage du médecin au psychanalyste François Ansermet, c'est bien peu ! Ce pédopsychiatre suisse s'est spécialisé dans les traumas à l'origine de la vie. Tout comme Jean-Claude Ameisen, il lutte contre les conceptions strictement déterministes de nos existences, estimant que notre capacité de réponses révèle une part de liberté des sujets.
Si chacune de ces études est profondément marquée par ce qui fait l'originalité de son concepteur, on peut s'étonner que beaucoup de ces contributions laissent la place à la contingence, au hasard et à la sérendipité. On trouve autre chose que ce qu'on cherchait. C'est ainsi que Fleming découvrit la pénicilline. C'est pour des raisons analogues que, dit François Ansermet, il n'y a rien de plus stupide qu'un « club de rencontres ».
Les yeux grands ouverts
Très émouvante est la contribution de la primatologue américaine Jane Goodall. Elle dit la joie qu'elle éprouva un jour en tenant dans sa main un morceau de phacochère préhistorique, se représentant l'être vivant qu'il avait été, croyant même sentir son odeur. Sur le fond, une réserve morale se fait jour : les chimpanzés sont capables de recueillir des orphelins mais aussi de faire preuve d'une effrayante agressivité entre clans. Est-ce pour cela qu'elle recommande : « Garder les yeux grands ouverts. Tout est là. » ?
Ce n'est pas parce qu'il est devenu très médiatique que nous terminons par Étienne Klein, mais parce que sa vie et sa carrière constituent une sorte d'archétype des hiatus qui peuvent exister entre la matière et la vie. Aujourd'hui directeur du laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au CEA (Commissariat à l'Énergie atomique), le chercheur dit sa déception devant l'enseignement de la physique tel qu'il l'a connu au lycée. « Les cours me laissaient sur ma faim. J'y devinais beaucoup de non-dits, de questions en suspens. »
C'est paradoxalement au travers de l'intérêt pour la philosophie qu'il rejoint des préoccupations scientifiques. Ainsi se pose-t-il précocement la question du temps, parlant des équations en physique : « Le temps, en passant, devrait changer sur sa façon d'être le temps. Or tous les instants sont désignés de la même façon : t. »
Devenu un conférencier à succès, cet amateur d'anagramme laisse échapper : « Dans la vie on agit souvent pour régler des comptes avec son enfance. Je fais les cours que j'aurais aimé suivre. »
« Savoir, penser, rêver », sous la direction de Geneviève Anhoury, Flammarion, 288 p., 19,90 € * Jean-Claude Ameisen, François Ansermet, Agnès Bénassy-Quéré, Nicola Clayton, Françoise Barré-Sinoussi, Edith Heard, Stéphane Douady, Jane Goodall, Étienne Klein, Cécile Michel, Lionel Naccache et Hubert Reeves
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