Ultime question de la philo ?

Le sens, dévoilement ou dévoiement

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Publié le 20/05/2019
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Idées-Vergely

Idées-Vergely

Si la vie est assimilée à la simple et banale existence quotidienne, la sinistrose s'est depuis longtemps installée. En 2017, un Français sur cinq était atteint de troubles dépressifs et 10 524 personnes se sont suicidées.

Mais en bon philosophe, Bertrand s'intéresse « la vie derrière la vie ». À ce que, selon leur système singulier et leur boîte à concepts, les penseurs nomment Étant, Substance, Cause première ou Dieu.

Cette vie derrière la vie répond à la question du sens. On a de la joie, on se sent vivre, on a l'impression de vivre car on découvre qu'il y a quelque part du sens. Cette notion qui elle-même s'épanouit suivant quatre dimensions : la direction, la signification, la sensation et la valeur.

Cependant, en répétant, comme pour s'en persuader, qu'il y a une vraie substance vitale derrière l'ensemble de ce qui vit, l'auteur ne tourne-t-il pas en rond ? Semblable à ceux qui expliquaient que l'opium faisait dormir car il possédait une « vertu dormitive » ?

L'auteur s'en prend alors à la phrase de Rimbaud dans « Une saison en enfer » (1873), « La vraie vie est absente ». C'est oublier qu'il y a les vivants et l'ensemble de la matière. Dans « le Livre de la Genèse », le monde, la flore et la faune sont créés d'abord, puis vient l'homme, car ce n'est qu'avec lui que tout devient vivant. Même si une tendance actuelle, extrêmement persistante, semble dire que c'est précisément l'homme qui est un destructeur…

Très msubtilement, Bertrand Vergely va malicieusement au-devant de ses propres objections. Ainsi s'interroge-t-il : « Est-ce parce que l'on donne du sens à sa vie que la vie a du sens pour autant ? Comment vivre une vie qui ne sert à rien ? » « Je suis agnostique, dit le penseur Raymond Polin, cela ne m'empêche pas de trouver que la vie a un sens. » Et notre auteur d'avouer un peu plus loin : « Il n'est pas nécessaire qu'il y ait de l'Être ou bien un Dieu pour vivre. On peut très bien vivre en pensant qu'il n'y a aucune réalité fondamentale, aucun Être spirituel, aucun Dieu, on vit même mieux. »

Au-delà de l'euphorie ou de la sinistrose qui risquent de se réduire trop souvent à de petites humeurs, Bertrand Vergely dévoile la richesse d'une vie qui serait promesse, « lorsque, donnant quelque chose à quelqu'un, on décide de le lui donner toujours ».

Bertrand Vergely, « Notre vie a un sens ! », Albin Michel, 336 p., 21,50 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9751