Ballet de l'Opéra

Les chorégraphes américains envahissent Paris

Par
Publié le 01/09/2016
Article réservé aux abonnés
Danse-Blake Works H

Danse-Blake Works H
Crédit photo : ANN RAY/OPÉRA DE PARIS

Du 2 au 10 septembre, c’est l’American Ballet Theatre qui, après vingt-cinq ans d’absence, ouvrira la saison de l’Opéra de Paris. Avec « la Belle au bois dormant » dans la chorégraphie du Russe Alexeï Ratmansky, qui propose de remonter le ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski tel qu’il a pu l’être à sa création en 1890 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg.

Au Palais Garnier, jusqu'au 25 septembre, l’exposition « Chorégraphes américains de Balanchine à Forsythe à l’Opéra de Paris », réalisée en collaboration avec la Bibliothèque nationale, illustre bien cette volonté, avec de formidables témoignages prompts à stimuler la nostalgie d’un témoin des trente dernières années sur cette scène parisienne.

La saison prochaine du Ballet de l’Opéra de Paris (BOP), préparée par Benjamin Millepied, directeur de la Danse démissionnaire, comportera encore force programmes américains voulus par cet ancien du New York City Ballet. Peck, Tudor, Cunningham, Robbins, Balanchine (l’entrée au répertoire de son « Songe d’une nuit d’été », en mars, devrait être un événement) et Forsythe (autre moment fort de la saison, avec son chef-d’oeuvre « Impressing the Czar », que donnera en janvier le Semperoper Ballett de Dresde, compagnie invitée) seront à l’affiche.

Peck et Forsythe

Mais les deux derniers spectacles de la saison du BOP, 100 % américains, laissent une impression mitigée. Est-ce parce qu’ils coïncidaient chronologiquement avec la venue au Théâtre du Châtelet du New York City Ballet, offrant de nombreuses passerelles de comparaison ? La compagnie américaine, d’un professionnalisme indéniable, semble empêtrée dans son héritage balanchinien (70 % de la programmation de sa tournée) et ce qu’elle offre à voir de chorégraphes d’aujourd’hui (Peck, Ratmansky, Wheeldon) navigue du banal à la ringardise.

On se prend à penser que ces chorégraphes, dont on peut voir de ce côté de l’Atlantique un travail très valable, sont prisonniers du carcan de la clientèle plus que conservatrice de la compagnie new-yorkaise. Pour exemple « Everywhere We Go », joli divertissement de Justin Peck, qui semble être un copié-collé de Jerome Robbins sur une musique impossible de Sufjan Stevens. Le ballet lasse dès sa cinquième minute et n’arrive pas à la cheville de la création de Peck pour le BOP, « Entre chien et loup », sur le « Concerto pour deux pianos » de Poulenc (très bien joué par Emmanuel Strosser et Franck Braley), qui évoque, sans génie chorégraphique réel mais avec de belles images et une architecture originale, l’atmosphère des bals masqués du début du XXe siècle.

Au même programme à l’Opéra-Bastille figurait l’entrée au répertoire (qui porte à 30 le nombre de chorégraphies de Balanchine) du « Brahms-Schönberg Quartet », pas du meilleur, mais dansé avec classe, sur l’adaptation discutable qu’a faite Arnold Schönberg pour grand orchestre du « Quatuor pour piano N°1 » de Brahms. Avec de beaux costumes de Karl Lagerfeld, il offrait à une pluie d’étoiles, dont Alice Ranavand, Joshua Hoffalt, Amandine Albisson, Stéphane Bullion, l’occasion de montrer le brillant et le grand savoir-faire des danseurs du BOP dans le répertoire balanchinien, dans lequel, eux, ne sont pas figés.

Co-dernier programme de la saison, à Garnier, un ensemble de trois pièces de Forsythe passionnait beaucoup plus. S'il ne comportait pas de grandes pièces du chorégraphe, comme celles présentées de précédentes saisons par le Ballet de Dresde à Chaillot ou celui de l’Opéra de Lyon au Théâtre de la Ville, il offrait une intéressante confrontation entre deux pièces de la période « déconstructiviste » du chorégraphe et une création. Sur des musiques de Thom Willems, « Of Any If Any » (1995), qui entre au répertoire, duo magnifiquement interprété par Eléonore Guérineau et Vincent Chaillet, et une nouvelle version d'« Approximate Sonata » (1996), initialement réglé sur une sonate de Beethoven. La création, « Blake Works I », donnait à un grand contingent du BOP l’occasion d’illustrer sept chansons de James Blake avec une grâce, une liberté et une joie de danser communicative. Court programme très applaudi et qui trouvait un singulier prolongement à la sortie, car des couples très doués pour les danses de salon avaient organisé un minibal du 13 juillet sur le perron du Palais Garnier.

Opéra de Paris, tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9513