Conte, fable, parabole, allégorie… : Bruno Dumont et Alain Guiraudie, les deux premiers cinéastes français en compétition, naviguent avec allégresse dans ces parages. Depuis la série « P'tit Quinquin » (2014), le sombre Bruno Dumont a trouvé, comme il le dit au « Film français », « un équilibre autour de la tragicomédie ». Et avec « Ma Loute » (déjà en salles) il se lâche, ce qui nous vaut des séquences particulièrement savoureuses.
Il y a plusieurs façons de raconter l'histoire. Par exemple, Côte d'Opale, baie de Slack, 1910, lutte des classes : des bourgeois suffisants en vacances face à des pêcheurs en apparence plutôt demeurés ; des disparitions, des policiers styles Dupont-Dupond et Keystone ; des phénomènes mystérieux. Face aux acteurs non professionnels incroyables que Dumont a le chic pour dénicher, Fabrice Luchini, Valeria Bruni Tedeschi, Juliette Binoche jouent dans l'outrance. Le burlesque flirte avec le grotesque. On est subjugué, à défaut d'être vraiment touché.
Alain Guiraudie a lui aussi son ton, son regard, découverts au-delà d'un cercle restreint grâce à « l'Inconnu du lac » (2013). « Rester vertical » est une fable au pays des loups, un causse de Lozère, où débarque un homme énigmatique, dont la parabole fera quasiment un agneau sacrificiel.
Les personnages sont rudes, rêches, comme le lieu. Le cinéaste filme les corps nus, beaux ou laids, l'acte sexuel, la naissance, la vieillesse, au plus près de la réalité, au risque de choquer. Il exprime aussi les désirs enfouis de ceux qui ne savent guère parler. L'une de ses qualités principales est de ne pas suivre les lignes droites, une logique cérébrale. On ne devine jamais où il va nous mener. À voir à partir du 24 août.
Des façons de s'engager
Ken Loach est moins surprenant mais il a bien d'autres qualités. Il disait ne plus vouloir faire de films, la situation sociale l'a à nouveau inspiré. En l'occurrence, avec « Moi, Daniel Blake »*, le sort des sans droits et sans voix, livrés à l'arbitraire de services censés être publics, aujourd'hui bradés au privé (dont le but est de rayer des chômeurs de la liste plutôt que les aider). Sa force est d'exprimer son militantisme toujours aigu à travers des personnages très touchants.
Soit un menuisier de 59 ans (Dave Johns) sommé de retrouver un travail malgré de graves problèmes cardiaques et les préconisations de ses médecins. Et une mère célibataire de deux enfants (Hayley Squires), que l'on a logée à 450 km de sa ville natale, sinon cela aurait été un foyer d'accueil. Leurs démêlés avec les services sociaux, qui leur imposent des formulaires abscons et l'usage d'Internet qu'ils ne possèdent ni ne maîtrisent sont aussi désespérants que drôles – pour les spectateurs. Leurs relations, décrites tout en nuances, suscitent l'empathie et l'émotion.
Le film le plus long de la compétition, « sieranevada »*, du Roumain Cristi Puiu, était prudemment programmé au début du festival. C'est heureux, car il faut de la vaillance pour suivre ces 2 h 53 de discussions, disputes familiales dans un huis clos où l'on se retrouve comme un membre de cette nombreuse famille, entre portes qui claquent, table que l'on dresse ou l'on débarrasse, enfant que l'on calme et rite que l'on respecte tant bien que mal (commémoration d'un défun, 40 jours après sa mort). L'attentat contre « Charlie Hebdo » vient d'avoir lieu et les hommes discutent du terrorisme, l'un d'eux étant plus ou moins tenant des théories du complot. Il y a aussi une vieille femme restée communiste convaincue. Bref, on refait le monde. On l'a dit, ce n'est pas de tout repos mais cela ne manque pas d'intérêt, loin de là.
Suspense financier
Avec « Money Monster », de Jodie Foster, pas de problème. Le thriller est efficace et le suspense vous empêche de regarder votre montre ou votre portable. L'animateur d'une émission de conseils financiers est pris en otage en direct par un jeune homme qui a perdu son modeste héritage pour avoir suivi ses recommandations. Toute l'équipe est menacée de sauter en même temps que la vedette et la productrice tente de découvrir la vérité sur la spéculation mondiale en cause. Le scénario est astucieux, la réalisation sans faille, avec des séquences new yorkaises spectaculaires et d'autres qui nous emmènent dans le monde entier, et les acteurs (George Clooney, Julia Roberts) sont aussi professionnels que familiers pour les amateurs de cinéma américain que nous sommes.
Aussitôt projeté à Cannes, aussitôt sorti en salles. Tout comme « Café Society », comédie romantique de Woody Allen, qui ravira les inconditionnels du réalisateur. Entre Manhattan et Hollywood, entre famille juive et aristocratie du cinéma, sur fond de jazz, d'élégants chassés-croisés mettant en scène Kristen Stewart, Jesse Eisenberg, Steve Carell et Blake Lively, entre autres.
* Date de sortie non déterminée
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