Les romans de l'été (2)

Les femmes d'abord

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Publié le 19/06/2017
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L19/06-Une nuit

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L19/06-Le complexe d'Eos

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L19/06-Cavale

L19/06-Cavale

L19/06-les Femmes de La Principal

L19/06-les Femmes de La Principal

L19/006-La Future

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L19/06-Miss Cyclone

L19/06-Miss Cyclone

L19/06-Le roman d'Elsa

L19/06-Le roman d'Elsa

L’exception est de taille, puisque « les Femmes de La Principal » (1) est signé Lluis Llach. Le chanteur catalan, exilé en France durant le franquisme, se consacre, outre à des activités politiques et caritatives, à la culture de la vigne dans le Priorat et à l’écriture (« les Yeux fardés », prix Méditerranée 2016). Son roman commence en 1893, lorsque le phylloxéra s’abat sur les vignes catalanes ; le patriarche de La Principal privilégie ses quatre fils, pour les établir à Barcelone, et cède à sa fille Maria la propriété familiale, vouée à la décrépitude. Or la catastrophe annoncée ne se produit pas et Maria, sa fille puis sa petite-fille régenteront le domaine et régneront sur le village pendant plus d’un siècle. Trois femmes au caractère bien trempé, fières, excentriques, autoritaires et manipulatrices.

Qualifiée de nouvelle reine de la romance, la Suédoise Simona Ahrnstedt débarque en France avec « Une nuit, rien qu’une seule » (2), qui mêle intrigue financière à haut niveau, relations passionnées et secrets de familles. Étoile montante du monde de la finance et héritière de l’une des plus puissantes familles de Suède, Natalia est approchée par un bad boy de la finance suédoise. Amour sincère ou… tactique pour accomplir une vengeance visant le père ? L’auteure, qui a exercé en tant que psychologue pendant quinze ans, approfondit l’étude des caractères tout en multipliant les rebondissements.

Le sujet de « la Future » (3) s’inscrit dans le vaste coup de balai actuel des habitudes politiques : un président de la République célibataire organise un concours pour recruter une première dame de France digne de ce rôle. Une initiative très démocratique et… médiatique ! Dans ce premier roman, Michelle Simon-Duneau prend fait et cause pour une mère célibataire sans emploi dans la quarantaine et fille d’une femme de ménage espagnole, qui se lance dans la machine à broyer. Un conte de fées moderne qui interroge sur la place des femmes dans notre société.

Lorsque Jeanne s’est réveillée, son compagnon gisait dans une mare de sang à côté d’elle, poignardé ; elle ne sait pas ce qui s'est passé ; bientôt, des appels anonymes vont la forcer à s’enfuir. « Cavale » (4), de Virginie Jouannet, est le récit de la fuite éperdue d’une femme victime d’une amnésie et confrontée à un crime, non pas seulement pour s’échapper mais pour aller au-devant de secrets qu’elle avait jusqu’alors tenté d’ignorer, quitte à s’installer dans un mal-être constant. Une fuite vers la liberté, au risque de s’envoler ou… de chuter.

Liberté et fascisme

Comme dans ses précédents romans (« l’Autre Rive du Bosphore », « la Louve blanche »), Teresa Révay plante l'intrigue de « la Vie ne danse qu’un instant » (5) dans l’Europe des totalitarismes du XXe siècle. Elle dépeint l'ascension des régimes fasciste et nazi de 1936 à 1945, à travers le parcours d’une journaliste américaine, libre et indépendante mais prise entre passion et raison, puisqu’elle tombera amoureuse d’un diplomate proche du pouvoir fasciste et d’un confrère travaillant pour l'organe officiel du Parti national socialiste allemand. Un récit documenté qui nous mène de Rome à Madrid et à Alexandrie, en passant par les montagnes d’Éthiopie.

Laurence Peyrin est l’auteure de « la Drôle de Vie de Zelda Zonk », un premier roman qui a reçu le prix Maison de la presse en 2015. Elle revient avec un livre très fort, « Miss Cyclone » (6), qui se déroule à Coney Island, ambiance de fête foraine l’été et ville fantomatique l’hiver. Cette histoire « américaine » a pour thème l'amitié entre deux jeunes filles en dépit de leurs conditions sociales, de leurs caractères et de leurs rêves opposés. Elle commence lorsqu’elles ont 16 ans en 1980, à la mort de John Lennon, et se termine en 2001, après le 11-Septembre. Deux autres temps forts, l’ouragan Bob et l’affaire Lewinsky, ancrent le récit dans la réalité et rythment l’évolution de personnages attachants et crédibles.

Geneviève Senger implante son 40e titre dans le Paris de la Belle Époque et de l’Exposition universelle. « Le Roman d’Elsa » (7) retrace le destin de la fille d’un riche banquier parisien, contrainte d’épouser le fils désargenté d’aristocrates normands et qui obtient en contrepartie de réaliser son seul rêve, étudier la médecine. À l’intrigue sentimentale – corsée par la rencontre de l'héroïne avec un imprimeur syndicaliste –, l’auteure privilégie la description des conditions de vie des petites gens en 1900 et des difficultés pour les femmes d’accéder à plus d’autonomie et de liberté.

Les lecteurs de longue date se souviennent de l’effervescence, pour ne pas dire du scandale, qu’avait suscité « le Complexe d’Icare », le premier roman d’Erica Jong, dans lequel elle parlait de l’amour, du sexe et du couple avec une liberté de ton inégalée. Quarante ans et bien d’autres « récits littéraires érotiques » après, la romancière américaine de 75 printemps nous interpelle, dans « le Complexe d’Eos » (8), avec autant d’insolence et d’humour, sur l’amour, le sexe et le couple à l’approche de la vieillesse. Vanessa Wonderman a la soixantaine, un mari diminué par un AVC à l’hôpital, des parents à demeure en train de perdre la boule, une fille à la maternité sur le point d’accoucher. Des situations somme toute banales mais qui conduisent à la question : comment vivre l’amour quand, avec l’âge, le désir change ? « Nous n’avons fait, à ce jour, qu’un tiers de la révolution féministe, assure Erica Jong. L’âge est le dernier tabou. Et pourtant, la vie ne fait que commencer… »

(1) Actes Sud, 307 p., 22,80 €
(2) NiL, 561 p., 22,50 €
(3) JC Lattès, 270 p., 18 €
(4) XO Éditions, 411 p., 19,90 €
(5) Albin Michel, 505 p., 22,90 €
(6) Calmann-Lévy, 342 p., 19,50 €
(7) Presses de la Cité, 382 p., 20,50 €
(8) Robert Laffont, 311 p., 21 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9590