Les grands orchestres de l’été

* Les 20 ans de Verbier

Plus de 30 artistes, 1 700 spectateurs réunis dans la salle des Combins, sans compter les innombrables spectateurs virtuels grâce à la diffusion en direct et en différé sur le site Medici.TV, ont fêté lors d’un concert exceptionnel, avec son fondateur Martin Engstroem, le 20^e anniversaire du Verbier Festival, créé en 1994 dans cette jolie station de ski du Valais. L’enthousiasme n’a pas été totalement à la hauteur de l’événement. Mais, bien coordonnée, la première partie offrait ce que Verbier peut offrir de mieux, réunir des interprètes d’exception pour faire dans les meilleures conditions de la musique de chambre ou des projets artistiques exceptionnels, rarement joués par des artistes de si haut niveau professionnel.

Le lendemain, en dépit de la défection d’Esa-Pekka Salonen, pour diriger la « Symphonie n°3 » de Mahler, on a pu vivre un moment exceptionnel, avec un Verbier Festival Orchestra en état de grâce sous la direction d’Andrés Orozco-Estrada. Ce jeune chef colombien, déjà bien lancé dans les circuits internationaux, a soulevé cet orchestre de jeunes à un niveau qui pourrait faire rougir de honte bien des orchestres institutionnels. On n’est pas près d’oublier la tenue et le poids sonore du très long premier mouvement, ni la prise de risque immense d’avoir dirigé avec une lenteur presque insoutenable son dernier. On aimerait entendre plus souvent des cordes aussi soyeuses et des pupitres de vents aussi doués et disciplinés. Non moins remarquable, la partie vocale assurée par le mezzo-soprano finlandais Lilli Paasikivi, dont le « O Mensch ! » résonnait encore longtemps après le concert comme la plainte inassouvie de Zarathoustra.

* Démocratie à Londres

À Londres, les BBC Proms, encore appelés les Henry Wood Promenade Concerts, créés en 1895, alignent environ 70 concerts dans l’immense Royal Albert Hall, sans compter les extensions dans les parcs londoniens et au Cadogan Hall. Le chef Jirí Belohávek a décrit les Proms, marqués cette année par la « Tétralogie » de Wagner dirigée par Daniel Barenboïm, comme le « plus grand et le plus démocratique festival de musique ». Il est fascinant de voir se remplir l’immense salle pouvant contenir jusqu’à 5 200 spectateurs, dont certains (les Prommers) restent debout au parterre, séquelle de l’origine du genre, des concerts-promenades dans les parcs de Londres et de tout le royaume. Ces places sont mises en vente à un prix démocratique le jour même du concert.

Parmi l’impressionnant programme, principalement, mais pas uniquement, de musique symphonique (jazz, gospel et musiques du monde y ont leur place), le concert n° 53 permettait de juger de l’excellence de l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, sous la direction du désormais très recherché jeune chef québécois Yannick Nézet-Séguin, son directeur musical depuis 2008. Sur la « Symphonie n° 5 » de Prokofiev planait bien sûr l’ombre de Gergiev, précédent directeur musical de l’orchestre et c’est tout à l’honneur du directeur actuel de s’y être mesuré. Les qualités de précision, de fluidité, d’équilibre entre les climats de cette œuvre assez disparate et la volonté d’exalter les merveilleuses sonorités des musiciens de l’orchestre forçaient l’admiration.

* Fin d’été à Berlin

Chaque été, en septembre, la capitale allemande s’offre avec les Musikfest Berliner Festspiele le gratin et l’aristocratie des orchestres européens. Pouvoir entendre, dans l’acoustique miraculeuse de la Philharmonie et parfois dans l’historique Konzerthaus, le Royal Concertgebouw Orchestra (Amsterdam), le LSO (Londres), le Mahler Chamber Orchestra, les cinq orchestres berlinois (Berliner Philharmoniker, Konzerthausorchester, orchestres des deux opéras de Berlin et de la Radio de Berlin) est un luxe éclatant. Les prix ne sont pas aussi élevés que chez nous et le programme plutôt orienté vers les œuvres du XX^e siècle et un peu vers la création. Cette année, Lutoslawski et Britten, centenaire oblige, sont fêtés dignement.

Berliner Festspiele, jusqu’au 30 septembre : tél. +49.30.254.89.100, www.berlinerfestspiele.de, ticketinfo@berlinerfespiele.de.