Cherchant à percer à jour les secrets de la physiologie, le XVIIe siècle rationaliste, Descartes en tête, a conçu le corps comme un pur mécanisme à réparer. Les découvertes de la médecine psychosomatique ont eu raison de ce simplisme. Notre corps s'exprime par des symptômes qu'il faut déchiffrer, d'ailleurs tout le monde est capable de faire le lien entre un trouble respiratoire et un état d'anxiété ou d'angoisse.
Les progrès de la médecine ont pu donner l'impression que notre pouvoir thérapeutique était devenu total. Mais, interroge Patrick Clervoy, « d'où vient qu'une personne guérisse et une autre non ? Quel est cet élan coordinateur qui rassemble les ressources de notre organisme pour que s'opère la guérison ? » Autant de questions auxquelles la réponse, montre l'auteur, passe par une nouvelle interrogation : « Quel type de relation avons-nous avec notre corps ? »
On se souvient des planches anatomiques d'antan, elles montraient clairement la disposition des organes. Mais nous savons aujourd'hui que, chaque jour, toutes les cellules de l'organisme se modifient à notre insu. « Nous avons l'idée que notre corps est réel, stable et continu, c'est une illusion », dit Patrick Clervoy. Ainsi je veux boire et m'avance vers une source, modifiant l'état de ma position, de l'eau pénètre en moi, qui s'évacuera par la miction, et me voici en quelques secondes transformé.
Par le jeu des émotions, violentes ou non, mon corps verra ses rythmes respiratoires et cardiaques bouleversés, et on sait à quel point la peau, cette « profondeur du superficiel », comme le disait Paul Valéry, incarne, reflète cet « être dans le monde » dont parlent les philosophes.
Le poids des représentations
L'immense majorité des êtres humains n'a jamais vraiment vu ses organes internes, il n'en reste pas moins que nous nous faisons une image du corps, une représentation souvent vague, mais, dans certains cas pathologiques, elle peut être plastiquement assez précise.
Ainsi la boulimie et l'anorexie renvoient-elles à des représentations délirantes où intervient souvent la haine de soi. Ailleurs, un malade décrit son corps comme une ville brûlée et en ruines. Une autre affirme que ses jambes ne font pas partie d'elle.
Et puis, mon corps rencontre celui de l'autre… et interviennent des phénomènes que l'on aurait autrefois considérés comme relevant de la magie. C'est le cas de l'imitation ou de l'empathie, capacité de partager une sensation qui n'est pas la nôtre au départ. Quelqu'un se gratte en face de moi, les zones sensorielles de la démangeaison sont activées, on finit par se gratter aussi. Cette empathie est à la base de la relation transférentielle médecin-malade, elle est aussi le carburant qui nous fait croire aux guérisons miraculeuses, que certains taxent de pure crédulité.
Patrick Clervoy n'est pas loin de le penser. « Pour qu'il y ait guérison, écrit-il, il faut qu'une puissance supérieure à elle-même l'entretienne dans sa tension, l'alimente dans ses ressources et la ranime dans sa vigueur. »
D'aucuns ironiseront sur le vitalisme de l'auteur, perdant de vue la force du lien psychosomatique. Un lien déjà affirmé par Descartes, qui disait que « l'âme n'est pas dans le corps comme le pilote en son navire ».
– Patrick Clervoy, « Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps », Odile Jacob, 352 p., 21,90 €
* Ancien médecin du Service de Santé des Armées, Patrick Clervoy, spécialiste du traumatisme psychique, a notamment participé à des missions militaires en Bosnie, en Afghanistan, au Mali.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série