DANS UN OPUSCULE intitulé « les Intellectuels, le peuple et le ballon rond » (1), le philosophe Jean-Claude Michéa évoque la « transe négative » dans laquelle le foot plongerait les travailleurs du concept. Il ajoute : « Si les intellectuels dans leur masse haïssent le football, c’est évidemment parce que ce dernier incarne le sport populaire par excellence. » Or, tout dans l’actualité dément absolument cette aspiration. Suivant en cela la bicyclette, loin d’être regardé avec condescendance, le foot est l’objet d’une ferveur absolue de la part de tout ce qui se pique de penser.
Dans le récent « Socrate en crampons » (2), le professeur de philosophie Mathias Roux fait de ce sport la matrice générale de tous les thèmes de philosophie. Ainsi, veut-on comprendre les éléments qui forment un groupe humain ? Quoi de mieux que les « liens du stade » (sic), sans lesquels le social serait distendu. Rien ne permet de mieux échapper à l’égoïsme et à la solitude que le « supportisme » (re-sic). Objectera-t-on que les hordes de supporters hurlantes et bavantes que l’on peut croiser dans les rues, criant « On a gagné », ne semblent pas être l’illustration la plus noble du lien humain ? Non, car on se ferait traiter d’intellectuel méprisant le peuple.
Se précipitant dans la brèche de l’actualité, « Philosophie magazine » (3) s’écrie, par la voix du penseur Mehdi Belhaj Kacem : « Le foot est une œuvre d’art totale. » Une affirmation pleine de nuance et de retenue, qui infirme le verdict de Jean-Claude Michéa.
L’imaginaire collectif.
D’autres, comme Olivier Pourriol dans « Éloge du mauvais geste » (4), étudient la main de Thierry Henry ou le sempiternel coup de boule de Zidane comme s’il s’agissait de la Geste d’un héros grec ou d’un chevalier atteignant le Graal. C’est « tout notre imaginaire collectif » qui est tissé également par Cantona rossant un supporter !
Le plus étonnant est l’absence de tout recul critique, en particulier de la part de ceux, journalistes ou observateurs, qui se veulent pourtant si intransigeants dans l’examen de nos mœurs. Si on a le malheur ou la chance de vivre longtemps, on peut constater qu’il ne s’est pas passé une heure de sa vie sans entendre un score de foot. Voila, vous ne vous doutiez de rien et on vous annonce que Gueugnon a battu Guingamp par 2 à 0.
L’argument récurrent est que ce sport plaît à l’immense majorité, un argument qui est précisément celui qui a permis de fonder les pires dictatures. Un rapprochement qui ne doit pas choquer, ce n’est pas par hasard que les autocrates tenaient discours et harangues dans les stades, où ils mettaient souvent après leurs opposants.
Quitte à lire sur ce sujet, convions nos lecteurs à (re)lire le petit essai de Jean-Marie Brohm et Marc Perelman, « le Football, une peste émotionnelle » (5). Les auteurs y montrent comment le chauvinisme, le racisme et l’antisémitisme, la haine de l’autre en général, s’expriment lors des matchs. Ce sport, qui fait au moins un mort par semaine sur la planète, ne peut s’organiser sans une vingtaine de cars de police.
Alors, assez des intellos dans le vent qui ratiocinent « popu » et répétons avec Charb, de « Charlie-Hebdo » : « Ni Dieu, ni foot ».
(1) Éditions Climats-Flammarion, 2003.
(2) Flammarion, 2010, 185 pages, 16 euros.
(3) N° 40, 7 euros, en kiosque.
(4) NiL Éditions, 2010, 126 pages, 13,50 euros.
(5) Folio/Actuel, 2006.
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