« La Communication du vivant », de Joël Bockaert

Les pouvoirs de la transmission

Par
Publié le 26/06/2017
Article réservé aux abonnés
Idées-Communication du vivant

Idées-Communication du vivant

Internet s'est développé à partir de 1969 grâce au département américain de la Défense. Aujourd'hui, en 2017, plus de 5 milliards d'internautes sont connectés. « En deux jours, dit Joël Bockaert, il y a plus d'informations générées et échangées qu'entre l'origine de l'humanité et le XXsiècle. »

Bien sûr, certains ironisent sur les « addictophones » et les troubles engendrés par ceux qui n'ont pas leur portable immédiatement disponible, souffrent de nomophobie (« no mobil phobia »). Mais Descartes, s'il revenait, dirait peut-être : « Je communique donc je suis. » 

D'emblée, le livre nous rend contemporain des études sur l'origine de la vie et, comme on le devine, entreprend de nous démontrer que tout transmet, tout communique sans cesse. Saviez-vous que les bactéries communiquent entre elles et sont attirées par les sécrétions de mucus émanant de la poche du calamar ? D'ailleurs, le support biochimique principal, l'ADN, est lui-même porteur d'information, par le biais de l'ARN messager.

Vivre, c'est transmettre

Étendant son propos, Joël Bockaert démontre que vivre, c'est se faire transmetteur et récepteur de tous les messages sensoriels qui parviennent à nos sens. Comme les phéromones, signaux olfactifs qui, selon certains, seraient déclencheurs de l'amour ! Les messagers chimiques de la communication peuvent aussi être stupéfiants, utiles médicaments, mais aussi drogues diverses, qui trouvent dans le corps une foule de récepteurs. Joël Bockaert dit avoir « consacré cinquante ans de sa vie de chercheur à cette question ».

Citant Nietzsche, l'auteur dit que « la conscience n'est qu'un réseau de communication entre les hommes ». Mais ce réseau se réduit-il à des trajets physico-chimiques ? Ici, le livre se fait philosophique et nous fait retrouver le tout premier questionnement cartésien : comment l'esprit, ce souffle ineffable, peut-il mouvoir ce morceau de matière qu'est le corps ?

On voit alors ce travail contraint d'aborder le symbolique. La mémoire n'est pas qu'« un réseau de neurones aux contacts synaptiques », elle fait sens et s'emplit volontiers de l'odeur d'un goûter chez tante Léonie. La rencontre interhumaine passe par l'échange du geste, du regard, et bien sûr par le développement du langage, dont l'auteur dit qu'il est « le Big Bang de la communication ».

Revenant pour finir sur les merveilles de la révolution numérique, Joël Bockaert note le choc anthropologique qu'elle constitue. « La Toile, dit-il, contiendrait 500 000 bibliothèques nationales et 63 de plus chaque année ! » Mais les données qui aident à penser ne sont pas pour autant des pensées. Il y a un hiatus entre être informé et communiquer, surtout lorsqu'il s'agit d'utiliser son temps de cerveau disponible pour Coca-Cola. Ce dont l'auteur de ce très riche livre est bien conscient.

Odile Jacob Sciences, 208 p., 22,90 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9592