LE QUOTIDIEN - La date de votre colloque correspond au coup d’envoi du Mondial ; est-ce un choix délibéré de votre part d’intervenir dans un contexte très footballistique ?
Pr MICHEL RIEU - C’est plutôt une coïncidence de calendrier. Notre colloque était initialement programmé pour l’automne dernier et c’est la pandémie grippale qui nous a conduits, par mesure de précaution, à le reporter au 10 juin.
Le football semble plus rarement éclaboussé par les affaires de dopage que d’autres disciplines, comme le cyclisme. Serait-ce un sport propre ?
Contrairement à ce qu’a déclaré le responsable de la commission médicale de la FIFA (Fédération internationale de football, lire ci-dessous), je me garderai bien de l’affirmer. Des affaires retentissantes, comme celle de la Juventus de Turin, en 2002, ont montré que des joueurs prenaient des substances interdites, comme la créatine. L’AFLD a publié en 2009 des analyses pratiquées sur les cheveux de sportifs de diverses disciplines ; elles présentaient des traces de DHEA chez 21 % des footballeurs contrôlés. Pour ma part, j’attends toujours que l’on m’explique comment le dopage n’aurait aucun effet sur un terrain de foot.
Certains remarquent que c’est un sport qui fait une part trop belle à la technique pour que les produits dopants puissent présenter un réel intérêt.
Mais quand vous prenez des produits qui diminuent les effets de la fatigue physique, vous vous garantissez un meilleur niveau technique. Et si vous améliorez l’endurance d’un joueur, vous lui permettez de garder un niveau technique plus longtemps. Cela dit, la culture du dopage n’a peut-être dans le foot la même ancienneté qu’on lui connaît dans d’autres sports, comme le cyclisme, avec des enjeux financiers différents à la clé.
Vous réunissez les équipes de recherche que l’AFLD fait travailler en matière de lutte contre le dopage. Faut-il espérer à l’occasion de ce colloque scientifique des annonces et des avancées concrètes ?
Nous allons faire le point sur le contenu nouveau et original de projets de recherche universitaire qui sont menés en partenariat avec divers organismes, tels que l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’AP-HP ou l’INRA (Institut national de recherche agronomique) ; tous ces travaux reflètent bien la stratégie de l’Agence sur deux aspects essentiels et complémentaires : d’une part, le profilage protéomique, pour détecter les paramètres biologiques qui, d’une manière indirecte, peuvent nous conduire à suspecter des prises de produits interdits. Pratiquement, l’étude du profilage permet de flécher les contrôles et d’éviter ainsi les gaspillages générés par des tests pratiqués à l’aveugle.
Nous allons d’autre part évoquer les méthodes de détection proprement dites, qui apportent la preuve absolue du dopage : le Dr Philippe Moullier présentera par exemple le développement d’un test sanguin après injection d’un vecteur viral recombinant, qui détecte le dopage génétique. Le Pr Michel Audran interviendra sur un outil pour la détection d’agents actifs sur l’érythropoïèse.
Ces recherches ciblent plutôt la lutte des années à venir...
Mais nous allons aussi nous pencher sur le dopage au quotidien et évoquer des produits bien connus : les corticoïdes, avec l’évaluation du risque de freination corticotrope par injection de glucocorticoïdes en intra-articulaire ou périatriculaire ; la créatine, avec la régénérescence musculaire, ou les hormones de croissance. Dans tous les cas, nous demandons aux chercheurs d’évaluer les possibilités pharmaceutiques qui sont disponibles actuellement. Nous leur posons une question-clé : et si vous étiez des dopeurs, en l’état des connaissances et des moyens, quelle serait votre cible ? Les scientifiques, pour nous répondre, doivent se mettre à la place des dopeurs.
Quels produits font l’objet à l’heure actuelle d’une telle expertise pharmaceutique ?
Pour n’en citer que deux, il y a l’hématide, un petptide mimétique de l’EPO, qui ne bénéficie pas encore d’une AMM (autorisation de mise sur le marché), mais les remontées qui nous parviennent du terrain nous font penser qu’il est déjà utilisé; il y a encore le F 107, un dérivé des benzodiazépines qui agit comme récepteur de la ryanodine et régule le flux calcique au niveau de la fibre musculaire, avec un effet de lutte contre la fatigue.
Nous allons aussi nous pencher sur une technique qui nous préoccupe particulièrement, l’autotransfusion. L’affaire Landis, dont il est beaucoup question ces jours-ci, nous montre que c’est une méthode utilisée larga manu.
Une fois qu’une méthode ou un test est validé, comment entre-t-il en application ?
Chacun joue son rôle. À nous l’appréciation de sa faisabilité et de sa crédibilité, en liaison notamment avec l’Académie de médecine ; à l’AMA (Agence mondiale antidopage) de poursuivre et de le mettre en pratique dans le cadre des opérations de contrôle.
L’AFLD et son président, Pierre Bordry, ont été rudement mis en cause par les dirigeants de l’UCI (Union cycliste internationale). Ils ont décidé de vous boycotter pour le prochain Tour de France. Et on ne vous a pas entendu répliquer à ces attaques.
Rappelez-vous que lors du Tour 2008, l’Agence s’était signalée par ses performances en détectant pour la première fois le CERA, la troisième génération d’EPO. Depuis sa création, l’AFLD attache la plus grande importance à la performance scientifique. Dans cet esprit, la mise en œuvre d’actions de recherche universitaire, avec un colloque comme celui que nous organisons, constitue la meilleure réponse à nos détracteurs.
Colloque scientifique de l’AFLD, Institut océanographique de Paris, le jeudi 10 juin de 9 heures à 17 h 45. Renseignements et bulletin d’inscription : www.afld.fr.
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