Fille d’un safari doctor, Katherine Scholes a connu le succès dès « la Reine des pluies », qui se passait en Tanzanie, où elle a vécu jusqu’à l’âge de 10 ans. C’est au Congo que se situe « Leopard Hall » (1), en 1964, l’année de la rébellion Simba, à l’origine de maints massacres, tant parmi les Africains que parmi les Européens. Une jeune femme revient au pays dans le but de trouver un père qu’elle n’a jamais connu. L'ouvrage est une saga qui mêle les événements historiques avec le cheminement intime d’une héroïne en quête d’identité, d'un palace abandonné sur les bords du lac Tanganyika à un hôpital de mission dans la jungle.
Professeur de littérature moderne, à l’université d’Alger jusqu’en 1994 puis à la Sorbonne, Waciny Laredj a signé une dizaine de romans qui lui ont valu de prestigieux prix (« Fleurs d’amandier », « les Fantômes de Jérusalem »). Paru en 2010, « la Maison andalouse » (2) raconte, à travers la lutte du dernier descendant d’un Morisque pour conserver la propriété construite par son aïeul, l’histoire des musulmans d’Espagne, en butte à l’Inquisition au XVIe siècle, puis des occupants successifs de la demeure, des corsaires turcs aux trafiquants de drogues locaux en passant par l’administration coloniale. L’auteur parle aussi et surtout des maux qui rongent la société algérienne d’aujourd’hui et, au-delà, « de l’ensemble du monde arabe, ravagé par le despotisme politique, le capitalisme sauvage et le fanatisme religieux ».
Considéré dès son premier roman, « Une constellation de phénomènes vitaux », écrit à moins de 30 ans, comme l’un des auteurs les plus talentueux de sa génération, le Californien Anthony Marra s'intéresse à nouveau au bloc soviétique, dans un livre tour à tour tragique et comique, « le Tsar de l’amour et de la techno » (3). Après qu’un peintre chargé, dans les années 1930, d’effacer les visages des dissidents figurant sur les images officielles et les tableaux, s’est mis à peindre en leur place le visage de son frère, lui-même censuré, les destins de plusieurs personnes vont être bouleversés. L’auteur parcourt l’Union Soviétique d'hier et la Fédération de Russie jusqu’à aujourd’hui, de la Sibérie à la Tchétchénie : autant de petites histoires, comme un miroir éclaté aux éclats acérés.
Au début des années 1980, un jeune Allemand, parti sur les traces du voyageur Samuel Hearne, a disparu dans le Grand Nord canadien. Plus de trente ans plus tard, une archiviste le reconnaît sur une photo dans le journal, inchangé. Médusée, elle collecte toutes les données qu’elle peut trouver à son sujet afin de recréer la vie du jeune homme. « La Disparition d’Heinrich Schlögel » (4) se présente comme une obsédante recherche de la vérité, mise en pages de manière originale par la Canadienne Martha Baillie, à la fois enquête à fragments multiples et quête de soi, récit d’exploration, réflexion sur la colonisation d’une nature préservée, sur les pièges de l’espace-temps ou encore sur la réalité quand elle s’habille de fantastique.
Les vastes plaines de l’Ouest australien, terres ancestrales du peuple aborigène, au début du XXe siècle, sont le magnifique décor des « Orphelins du bout du monde » (5), premier roman de l’Américaine Harmony Verna. Une histoire d’amitié et d’amour entre une fillette abandonnée par sa famille dans le désert australien, sauvée par miracle et placée dans un orphelinat, et un petit Irlandais rebelle, qu’elle retrouvera sur les terres australes des années plus tard, alors que résonnent les échos lointains de la Première Guerre mondiale.
Corruption et violence
S. Mausoof est un écrivain et cinéaste pakistanais installé à San Francisco. Il s’est inspiré de son expérience de travailleur humanitaire dans la région du Waziristan pour écrire « Nuit sans lune au Waziristan » (6), un sombre roman d’action à multiples rebondissements. Le héros-narrateur, simple agent d’assurances, est propulsé dans cette région montagneuse au nord-ouest du Pakistan, où s’affrontent talibans, armée pakistanaise, services secrets américains, milice afghane et autres prédateurs. Une région gangrenée par la corruption, l’intégrisme et la violence. Un bourbier d’où nul ne sort indemne. Pas même le lecteur.
Plus classique, « Negra soledad » (7), de l’écrivain chilien Ramon Diaz-Etrovic (ses romans sont adaptés au cinéma et en BD), met à nouveau en scène Heredia, un détective privé des quartiers populaires de Santiago, qui a pour caractéristiques d’être mélancolique et de converser avec son chat Simenon. Et de résoudre les plus ténébreuses des affaires, comme le mystère de la mort d’un ami avocat qui venait d’être engagé par les habitants d’un village du nord du Chili victimes d’une entreprise minière polluante et décidée à exproprier tout le monde. Totalement ancré dans les réalités chiliennes contemporaines (problèmes environnementaux et indulgence coupable des autorités), le roman est aussi une promenade dans l’âme nostalgique d’un Santiago qui n’existe plus.
L'Afrique encore, mais l'Afrique du Sud, dans « Au milieu de nulle part » (8), de Roger Smith, écrivain issu du cinéma, ancien militant anti-apartheid. L'intérêt du roman est de montrer non plus des victimes du pouvoir et de la corruption qui règnent dans le pays, mais comment les plus hautes instances utilisent le pouvoir et la corruption pour régner. « L’exemple » vient de haut, puisque, après avoir tué son épouse sous l’emprise de l’alcool, le président ordonne à ses sbires d’accuser quelqu’un d’autre. Et cela fonctionne, car dans un pays où les victimes d’autrefois sont devenues les nouveaux bourreaux et où chacun plie sous le poids de la faute ou de la fatigue, il ne reste plus beaucoup d’espoir.
(1) Belfond, 636 p., 22,50 €
(2) Actes Sud, 452 p., 23,80 €
(3) JC Lattès, 343 p., 22 €
(4) Jacqueline Chambon, 247 p., 22,50 €
(5) Belfond, 566 p., 22,90 €
(6) Éditions de l'Aube, 320 p., 21 €
(7) Métailié, 346 p., 20 €
(8) Calmann-Lévy, 349 p., 21,90 €
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