« Un peuple et son roi » et autres nouveaux films

L'histoire au présent, pour le présent

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Publié le 27/09/2018
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Cinéma-Un peuple et son roi

Cinéma-Un peuple et son roi
Crédit photo : STUDIO CANAL

Il a fallu sept ans au réalisateur de « Versailles » et de « l'Exercice du pouvoir » pour mener à bien son périple dans le passé, qu'il décrit aujourd'hui comme « une vraie cure de jouvence ». Il a tout lu sur les années 1789-1793, étudié les événements, les discours, les décors, jusqu'aux moindres détails, comme la poudre sur la perruque de Robespierre, la fourrure sur le col de Marat ou les techniques des verriers.

Et il a su s'en libérer, faisant, comme il le dit, « la chasse à la naphtaline », pour que le combat du peuple de Paris à la conquête de la liberté apparaisse comme formidablement présent. Si le roi, campé loin des stéréotypes habituels par un excellent Laurent Lafitte, est bien sûr l'un des pivots du récit, deux groupes ont la vedette. D'abord le petit peuple, représenté par une communauté du faubourg Saint-Antoine, tout près de la Bastille, dont des femmes qui vont participer à la marche sur Versailles en octobre 1789, à la fusillade du Champ-de-Mars en juillet 1791 et à la prise des Tuileries en août 1792. Ensuite les membres de l'Assemblée constituante puis de la Convention, dont on entend les débats.

Soit une multitude de personnages, incarnés par des acteurs que l'on a plaisir à retrouver : Olivier Gourmet, Adèle Haenel, Gaspard Ulliel, Izia Higelin, Louis Garrel, Céline Sallette, Denis Lavant, pour n'en citer que quelques-uns. Et des scènes de groupes mises en scène avec une rare intelligence. En ne recourant au numérique que pour effacer des traces trop modernes sur les décors ou pour reconstituer la place où fut exécuté Louis XVI (la place Louis XV, devenue place de la Concorde), Pierre Schoeller évoque aussi bien les scènes collectives sanglantes que la vie quotidienne et intime – éclairée à la bougie.

On est très loin des superhéros et « Un peuple et son roi » demande un peu d'attention, pour suivre les rebondissements de ces années décisives et les combats politiques dont on n'a pas fini de mesurer les conséquences. Mais la réflexion sur ce qui lie un peuple et celui ou ceux qui le dirige en vaut largement la peine, le plaisir cinématographique en plus. Et l'on espère que le succès du film permettra à Schoeller de nous raconter la suite, comme il rêve de le faire.

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Parmi les autres sorties de la semaine, « I Feel Good », comédie de Benoît Delépine et Gustave Kervern sur notre monde ultralibéral, avec Yolande Moreau en directrice d'une communauté Emmaüs (le village de Lescar Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques) et Jean Dujardin en bon à rien qui, pour devenir riche, imagine de se lancer dans la chirurgie esthétique low cost.

Mélanie Thierry et Pierre Deladonchamps sont réunis dans « le Vent tourne », un drame rural de la Suissesse Bettina Oberli. Premier film kenyan sélectionné à Cannes, « Rafiki », de Wanuri Kahiu, évoque l'histoire d'amour de deux jeunes filles. L'homosexualité étant proscrite au Kenya, le film y est interdit, mais la réalisatrice a obtenu la levée de la censure pour sept jours, ce qui lui permettra de concourir pour l'oscar du meilleur film étranger. À ce sujet, la France vient de choisir son candidat : c'est « la Douleur », d'Emmanuel Finkiel, avec Mélanie Thierry dans le rôle de Marguerite Duras.

Les amateurs de thriller iront voir « l'Ombre d'Emily », de Paul Feig, autour d'une femme qui disparaît (Blake Lively) et de son amie qui enquête (Anna Kendrick). Du fantastique aussi, avec « The Lille Stranger », de Lenny Abrahamson (« Room »), adaptation d'un roman gothique de Sarah Waters, avec Domnhall Gleeson, Ruth Wilson et Charlotte Rampling ; et, plus familial, « la Prophétie de l'horloge », d'Eli Roth, dans lequel un garçon de 10 ans débarque chez un oncle facétieux autant que sorcier.

N'oublions pas les festivals. À Paris, le cinéma allemand sera à l'affiche du cinéma l'Arlequin du 3 au 9 octobre (www.festivalcineallemand.com). À Saint-Jean-de-Luz, le festival qui s'est donné pour mission de révéler de nouveaux réalisateurs se tiendra du 1er au 6 octobre, avec dix films en compétition (dont « l'Ordre des médecins », de David Roux, dans lequel Jérémie Rénier est un médecin hospitalier aguerri dont les convictions vacillent quand sa mère, Marthe Keller, est hospitalisée dans un état critique), que départagera un jury uniquement féminin, sous la présidence de Corinne Masiero (www.fifsintjeandeluz.com).

 

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9689