Au Centre Pompidou

Magritte, la passion philosophique

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Publié le 29/09/2016
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ART-Magritte

ART-Magritte
Crédit photo : ADAGP

L’itinéraire de l’artiste belge (1898-1967) est ponctué de rencontres. La première en 1924, lorsqu’il voit une photo du « Chant d’amour » de Chirico, qui associe un parapluie et une machine à coudre. Il y répond avec un gant de caoutchouc rouge et le moulage en plâtre du profil d’un dieu grec et s’engage auprès des surréalistes. Il commence alors à associer dans ses tableaux des mots et des objets, questionnant subrepticement la hiérarchie établie par la philosophie entre les mots et les images, la poésie et la peinture.

Deuxième étape dans les années 1930, à la suite du rêve d’un œuf enfermé dans une cage. Fini les rapprochements automatiques et arbitraires, il choisit « les Affinités électives » pour associer les objets au sein d’une beauté raisonnée. Désormais, ses tableaux résoudront des « problèmes » liés à la femme, la chaise, la pluie, les souliers… Cette période correspond à son rapprochement avec des surréalistes belges, dont le représentant, Paul Nougé, est un scientifique.

La passion philosophique débute dans les années 1950, lorsque Magritte entend à la radio le philosophe Alphonse de Waelhens. Il décide de remettre en cause les schémas de la représentation des philosophes. Il reprend alors sa réflexion sur les mots et se réfère à Moïse brisant les Tables de la Loi (les mots), devant son peuple qui idolâtre le Veau d’or (les images). « La Trahison des images » représente une pipe et il inscrit dessous « Ceci n’est pas une pipe », s’opposant ainsi à la formule de Breton et Éluard, « La poésie est une pipe ».

La caverne de Platon

Sur l’invention de la peinture, Magritte se réfère à Pline l’Ancien, au désir amoureux et à la capacité de l’art à restituer le réel. Ses outils seront la bougie, l’ombre et la silhouette. Puis il reprend l’allégorie de Platon, dont les prisonniers au fond d’une caverne ne connaissent le monde que par ses ombres et le confondent ainsi avec la réalité. Dans ses grottes, maisons, espaces clos, Magritte associe les ombres et la réalité pour démontrer que la peinture n'est pas dans l’illusion. Avec les rideaux et trompe-l’œil inspirés de Pline, il reprend le fameux épisode de Zeuxis peignant une coupe de fruit si réaliste que les oiseaux viennent la picorer. Son rival Parrhasios peint sur la fresque des rideaux que, le lendemain, Zeuxis ne peut ouvrir !

Magritte va plus loin avec Cicéron, pour qui « la nature n’a pas réalisé la beauté absolue ». Ainsi, pour représenter une femme idéale, il réalise plusieurs tableaux, chaque partie appartenant à une femme différente.

Avec un vocabulaire plastique restreint, une peinture très réaliste, Magritte fait de son art une forme accomplie de l’esprit, qu'il hausse au niveau de la poésie et de la philosophie. Et il y ajoute l’humour !

« Magritte - La trahison des images », jusqu'au 23 janvier. Tous les jours, sauf le mardi, de 11 à 21 heures (le lundi jusqu’à 23 heures). Tél. 01.44.78.12.33, www.centrepompidou.fr

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin: 9521