« Knock », « The Square », « la Belle et la Meute »

Manipulations en tous genres

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Publié le 19/10/2017
Ciné-Knock

Ciné-Knock
Crédit photo : MARS FILMS

Cinéma-The Square 3

Cinéma-The Square 3
Crédit photo : BAC FILMS

Cinéma-La Belle et la Meute

Cinéma-La Belle et la Meute
Crédit photo : JOUR2FÊTE

* Du « Knock et le triomphe de la médecine » de Jules Romains, écrit en 1923, Lorraine Lévy a gardé quelques répliques célèbres et le thème de la manipulation, la médecine détournée pour imposer son pouvoir. Mais contre le pessimisme initial, elle a voulu signer un film « solaire, ludique », avec davantage de comédie et de situations rocambolesques et un Knock moins cruel. Tout en traitant également d'un sujet qui lui « semble fondamental aujourd'hui, la place de l'étranger dans la cité ».

Toutes ces bonnes intentions apparaissant peu à l'écran, on se demande ce qui peut justifier cette revisite d'un personnage resté associé à Louis Jouvet (le film de Guy Lefranc de 1951 ressort cette semaine) ? La popularité d'Omar Sy, certainement, et l'audace de faire comme si sa couleur de peau, dans un village français des années 1950, était invisible.

L'acteur césarisé d'« Intouchables », l'interprète émouvant de « Chocolat » réussit presque à rendre vraisemblable l'évolution du manipulateur cynique en sympathique bienfaiteur et amoureux romantique. Et la troupe aux multiples talents qui l'entoure (Alex Lutz, Sabine Azema, Christian Hecq, Andrea Ferréol, entre bien d'autres) donne vie à une savoureuse galerie de portraits.

Au total, un film qui apparaît démodé, un peu bancal, mais ne manque pas de drôlerie et d'un certain charme.

L'art et la morale

* À Cannes, on attendait, on souhaitait « 120 Battements par minute » ou « Faute d'amour » en haut du palmarès, ce fut à la surprise générale « The Square », de Ruben Östlund, qui s'est fait connaître notamment avec « Snow Therapy ». Une allégorie certes pleine d'humour et de justesse sociale mais qui aurait gagné à être resserrée (le film dure plus de 2 heures 20).

Il s'agit de mettre à l'épreuve l'altruisme et la générosité affichée des nantis bien-pensants en les confrontant à la peur et à une certaine violence. C'est ainsi que le conservateur d'un musée d'art contemporain (excellent Claes Bang) va voir ses certitudes vaciller à la suite d'un vol.

Le réalisateur se moque gentiment –  il est vrai que c'est facile – des tics et du snobisme d'un certain art contemporain, avec ses déclarations pompeuses (« Le Carré », un dessin sur le sol avec une ligne de lumière est ainsi censé être « un sanctuaire de confiance et de bienveillance », au sein duquel « nous avons tous les mêmes droits et les mêmes devoirs »), ses installations enfantines, ses communiquants hors sol et ses soirées de bienfaisance hypocrites. La satire est le plus souvent très drôle mais la démonstration, selon laquelle on est vite en contradiction avec les valeurs morales qu'on défend, quelque peu lourde. Dommage.

La violence de l'institution

* Avec pour point de départ le récit de Meriem Ben Mohamed (« Coupable d'avoir été violée », Michel Lafon), la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hamia livre dans « la Belle et la Meute » une image forte des tensions à l'œuvre dans son pays et une belle démonstration de la possibilité d'une résistance individuelle.

Mariam, jeune fille plutôt naïve, erre dans la nuit. Elle a été violée alors qu'elle était sortie pour quelques instants d'une fête étudiante, sans le foulard cachant le décolleté de sa robe. En plans-séquences qui enferment le spectateur autant que l'héroïne, on suit le parcours du combattant d'une victime que nul ne veut entendre, d'autant que ses agresseurs font partie de l'institution (et qu'elle est accompagnée d'un jeune homme qui ne cache pas toujours ses idées contestataires). Un cauchemar kafkaien dont Mariam, fort bien incarnée par Mariam Al Ferjani, sortira plus forte.

Pas de militantisme dans ce récit, il n'en est nul besoin pour convaincre.

 

Renée Carton
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Source : Le Quotidien du médecin: 9611