RETRAÇANT l’histoire des idées et des découvertes physiques, Étienne Klein s’arrête un instant sur la position de Kant : il y a bien un univers, mais on ne peut que le penser, jamais vraiment le connaître. Une attitude démentie par l’existence d’une propriété précise, la gravitation newtonienne, et la théorie de la relativité qu’établit Einstein en 1915 en reliant la matière et l’espace-temps.
Inévitablement, semble-t-il, l’examen scientifique de l’univers suscite la question de son origine. En fait, le lien n’est pas si inévitable et l’auteur le questionne, nous y reviendrons. Deux aspects radicalement différents de ce problème méritent d’être distingués. Le premier tient au fait que si on s’aventure vers le temps le plus primordial des temps primordiaux, on se casse le nez sur le fameux « mur de Planck ». Un temps où l’univers était très petit et agité de folles convulsions de matières. Il va de soi que c’est nous qui simplifions (en partie par insuffisance personnelle...).
De manière plus complexe, représentez-vous des collisions de particules mues par une vitesse, une température et une densité d’énergie égales à la vitesse de la lumière. On sait que les physiciens peuvent recréer ces situations de manière expérimentale dans leurs collisionneurs et accélérateurs de particules.
Ici, le philosophe se souviendra que rien dans la physique quantique ne tombe sous le coup de notre logique trop cartésienne. Un bon exemple est fourni par le vide. Le vide ne l’est jamais totalement, il est gorgé de particules virtuelles, qui à tout moment peuvent devenir réelles. C’est donc plus Leibniz que Descartes, mais ce n’est jamais l’intuition commune.
Le nord du pôle Nord.
Comme les voies internes sont barrées par le mur pour retourner vers « l’origine », l’esprit humain essaie de la retrouver magiquement du côté où l’être sort vraiment, jaillit ex nihilo. À cela répond la théorie du big bang. Si ce terme désigne l’époque très dense et très chaude que l’univers a connue il y a environ 13,7 milliards d’années, il est acceptable. D’autant que, on l’a vu en allant au-delà du mur de Planck, on va vers le rétrécissement et le point. En revanche, si, comme c’est le cas, il désigne une sorte d’instant zéro où surgiraient de manière simultanée l’espace, le temps, la matière et l’énergie, il n’est qu’une image très fausse. De quel vide préalable sortirait-il ?
D’autant que tout le monde sent bien ce que l’image du big bang cache mal. L’expression a fini par désigner, dit Étienne Klein, la création du monde, pour ne pas dire le fiat lux originel. Voici que dans un gaz surconcentré, bang, Dieu craqua soudain une allumette.
Gaston Bachelard nous a suffisamment mis en garde contre la séduction des images. Pourtant, celle du big bang reste très prégnante. Redonnons la parole à l’auteur : « Imaginer une époque antérieure au big bang semble aussi absurde que se demander ce qu’il y a au nord du pôle Nord. »
De fait, l’ouvrage montre que l’univers ne correspond pas au schéma de la création ex nihilo, mais plus à un mécanisme d’autoréplication. On devrait moins se poser la question de l’origine que celle du maintien à chaque seconde de la « créature ». Mais ne serait-ce pas moins œdipien ?
On ne peut que conseiller ce livre, dans lequel, sans jamais les vulgariser, Étienne Klein rend accessibles, et même drôles, les étrangetés de la matière. Remercions-le d’avoir jeté sa faucille d’or dans le champ des étoiles.
Étienne Klein, « Discours sur l’origine de l’univers », Flammarion/NBS, 175 pages, 17 euros.
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