1969. CETTE ANNÉE-LÀ, un homme marche sur la Lune et Miles Davis change une nouvelle fois le cours du jazz en lui faisant faire un grand bond en avant. Cette année-là, Miles Davis, âgé de 43 ans, est à la tête d’un « troisième grand quintette ». Le premier, entre 1955 et 1958, comprenait notamment John Coltrane. Le deuxième, entre 1964 et 1968, était composé de Herbie Hancock (piano), Wayne Shorter (saxes), Ron Carter (contrebasse) et Tony Williams (batterie). Ce troisième quintette est communément appelé par les historiens le « groupe perdu » (« the lost band ») en raison de son existence éphémère (1969-1970). Éphémère, car, à la fin de cette décennie, le leader a déjà d’autres projets en tête, et a achevé certains, quand il se produit à deux reprises au festival de jazz d’Antibes/Juan-les-Pins fin juillet, puis à Stockholm et Berlin en novembre, aux côtés de Wayne Shorter (seul rescapé du deuxième quintette), Chick Corea (piano électrique), Dave Holland (contrebasse) et Jack DeJohnette (batterie).
Le coffret «The Miles Davis Quintet – Live in Europe 1969 – The Bootleg Series vol. 2 » (Columbia Legacy/Sony Music, 3 CD et 1 DVD) apporte un éclairage nouveau sur une période charnière dans la carrière du trompettiste et surtout sur l’évolution qui se prépare dans le jazz d’alors, coincé entre un certain passéisme et le free-jazz.
Quand le trompettiste se présente sur scène à Antibes, les 25 et 26 juillet 1969, et livre sa nouvelle conception du jazz, fondée sur des rythmes binaires et électriques – ce qui deviendra par la suite le jazz-rock ou jazz fusion – il vient d’enregistrer, aux commandes d’un octette, « In A Silent Way », un album précurseur du style, qui paraîtra quatre jours après sa prestation en France. Les deux premiers CD du coffret regroupent l’intégralité de ces deux enregistrements « live » rarissimes (présentés par André Francis, « M. Jazz » à l’ORTF). En direct de la Pinède Gould, Miles, dont le jeu est agressif, féroce et puissant, interprète aussi bien des standards du jazz et de son répertoire « classique » – dans une version électrifiée cependant (« Milestone » « ‘Round Midnight », « Nefertiti » ) – que certains des thèmes présents sur « In A Silent Way », comme « It’s About That Time », ou même « Miles Run The Voodoo Dance », qui sera au programme de « Bitches Brew » quelques semaines plus tard. Chaque soir les spectateurs-auditeurs, médusés voire tétanisés, mettront plusieurs dizaines de minutes avant d’applaudir cette musique détonante et dérangeante qui déborde de rythmes et d’énergie.
L’automne de la même année, quand le trompettiste et son quintette participent au Newport Jazz Festival in Europe, à Stockholm et au Berliner Jazztage de Berlin (en novembre), ils viennent de passer à la vitesse supérieure après avoir gravé « Bitches Brew » (en août, avec des formations à géométrie variable), un double album révolutionnaire rythmiquement et considéré comme les fonts baptismaux du jazz fusion. Primé aux Grammy Awards en 1971 (catégorie « meilleur disque de grand ensemble de jazz »), il est le premier disque d’or du « prince des ténèbres ». Le 3e CD du coffret (après une introduction du producteur George Wein), commence d’ailleurs sur le titre-phare de l’album, « Bitches Brew ». Quant au DVD (en couleur, durée 46 minutes), il dévoile, pour la première fois, l’intégralité du concert berlinois.
À la fois apogée de l’art de Miles Davis, à la croisée des chemins et avènement d’une révolution-mutation, ces enregistrements et ce « Lost Quintet » sont le chaînon manquant dans l’extraordinaire et unique carrière d’un des génies et créateurs du jazz contemporain.
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