« Barbe-Bleue » à l'Opéra de Lyon

Offenbach dignement fêté

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Publié le 24/06/2019
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Opéra-Barbe-Bleue

Opéra-Barbe-Bleue
Crédit photo : STOFLETH

Laurent Pelly a déjà à son actif onze œuvres d'Offenbach et quelques succès mémorables (dont « Orphée aux Enfers », qui avait vu en 1997 le triomphe de Natalie Dessay, et, il y a quatre ans, la résurrection du « Roi Carotte »). Sa production de « Barbe-Bleue », troisième collaboration de Jacques Offenbach avec les librettistes Meilhac et Halévy, créé en 1866 avec Hortense Schneider, fera date également sur la scène lyonnaise, ainsi qu’à Mascate (Oman) et à Marseille, où elle sera reprise en décembre.

Avec sa scénographe Chantal Thomas, Laurent Pelly, responsable également de somptueux costumes, a concocté une adaptation chic et décalée de cet opéra-bouffe qui tourne en dérision le conte de Charles Perrault de façon beaucoup plus sanglante que ne l’ont fait Paul Dukas (« Ariane et Barbe-Bleue ») et Béla Bartók (« le Château de Barbe-Bleue »). Comme il s’agissait pour le trio d’auteurs de cette pochade de brocarder la société du Second Empire et de faire la satire du pouvoir en place, quelques allusions à la situation contemporaine pointent çà et là (comme la dégaine du Comte Oscar, le Premier ministre du roi Bobèche, qui évoque celui qui dirige aujourd’hui notre gouvernement, et quelques dialogues modifiés). Mais l’esprit loufoque d’Offenbach prédomine toujours. Pelly est habile à régler l’horlogerie parfaitement huilée de cette machinerie satirique et excelle à tirer de chaque personnage soit le fond cocasse, soit la profonde humanité qu’il recèle. Et la grivoiserie intrinsèque à l'œuvre est toujours traitée avec tact.

La distribution est parfaitement équilibrée. Il est seulement dommage que les décors à ciel ouvert privent ces voix, qui ne sont pas toutes du format de la grande salle de l’Opéra de Lyon, d’une grande partie de leur projection. Yann Beuron, qui a été de nombreuses aventures offenbachiennes de Laurent Pelly, chante avec brio le rôle-titre. Héloïse Mas reprend avec panache le rôle d’Hortense Schneider, la truculente Boulotte – que ne dédaignait pas de chanter la grande wagnérienne Annie Schlemm à la fin de sa carrière dans la production historique de Walter Felsenstein au Komische Oper de Berlin. Belle morgue pour le roi Bobèche hystérique de Christophe Mortagne et belle prestance pour le Comte Oscar de Thibault de Damas.

Toute la distribution et le magnifique Chœur de l’Opéra de Lyon sont parfaits dans les ensembles dont l’œuvre abonde. Michele Spoti dirige avec un régal évident cette truculente partition, justement acclamée par un public jeune et enthousiaste.

 

 

 

 

Opéra de Lyon, jusqu'au 5 juillet, tél. 04.69.85.54.54, www.opera-lyon.com

Opéra sous les étoiles : retransmission gratuite en plein air le samedi 29 juin au Théâtre antique de Fourvière (billets à retirer à l’Opéra ou à la billetterie des Nuits) et dans 13 autres villes d'Auvergne-Rhône-Alpes,
www.opera-lyon.com/fr/20182019/opera/lopera-sous-les-etoiles

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9760