CES DERNIERS temps, Socrate est convoqué à tout propos, mis à toutes les sauces, y compris les plus immangeables, avec le foot et un « Socrate en crampons ». R. R. Smith le propose avec ses haricots à la tomate et un conseil : « Ne vis pas sans examen ». Traduire cela par « Essaie de voir clair en toi au cours d’une journée » donne du sens « au quotidien terre à terre, de l’humour à la monotonie, de la logique à la routine ».
Mais en quoi les philosophes peuvent-ils nous aider ? Le maître de Platon est-il un exemple, lui qui, injustement condamné par la cité, préféra la mort à la fuite possible. Certains ont ironisé. Pourtant, Marx peut à l’usine faire prendre conscience de l’exploitation. Freud doit parfois être relu avant d’entrer dans la chambre à coucher. Quant au vomisseur d’imprécations qu’est parfois Nietzsche, on n’ose dire à quels lieux il semble bien convenir.
Plus finement, notre penseur anglais accroche les petites problématiques surgissant lorsqu’on va au boulot. Il faut « se préparer », dit-il, c’est-à-dire être éveillé, et en même temps savoir que tout peut arriver. Le métro et sa cohue nous agitent comme les atomes chez Lucrèce. Appelons Hobbes à la rescousse, car un butor a logé a logé son porte-documents dans mon estomac, écrasé mon pied à la station Parmentier ou cisaillé à la jonction de Clapham.
Le métro est un loup pour l’homme mais on peut s’y perdre ou se noyer dans le regard de l’autre. Et puis, sommes-nous bien au retour le même que celui qui est parti ? Une réflexion sur l’identité que développe le cinéaste John Boorman, compatriote de l’auteur : tout itinéraire nous change fortement. Heureusement, on peut parfois lire dans le métro, attitude de plus en plus incongrue, entouré que l’on est de gens qui pressent les doigts sur de curieuses tablettes. Analysant l’acte de lire, Robert Rowland Smith en restitue la complexité. Il montre comment les mots font écran avec la réalité au lieu de nous la restituer.
Shopping et médecine.
Il retrouve bien ici la densité d’une vraie pensée philosophique, mais il sait aussi se faire sociologue dans la galerie marchande qui a chassé la boutique d’antan. Psychanalyse et socioanalyse du shopping nous sont proposées au travers de ces galeries qui nous engourdissent d’images vaporeuses, de mélodies troublantes maintenant le désir en état de veille permanente, situation dans laquelle « le consentement du client vaut presqu’autant que son envie de possession ».
Par ailleurs, nos lecteurs ne seront pas déçus par le chapitre intitulé « Chez le médecin », dont le ton est beaucoup moins badin que d’autres. S’appuyant sur l’ouvrage de Susan Sontag « la Maladie comme métaphore », il note que la maladie, loin d’être une sorte d’entité nosologique, en infère au sujet souffrant. « Cela pourrait expliquer pourquoi, quand tu te rends chez le médecin, une part de toi redoute qu’il ne se contente pas d’évaluer tes symptômes et qu’il en déduise des choses sur ton caractère. »
Voilà de l’humour et de la profondeur pour escorter le prosaïsme quotidien. Thank you, sir R. R. Smith !
Robert Rowland Smith, « Petit Déjeuner avec Socrate », Seuil, 276 p., 18 euros.
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