Au musée d'Orsay (1), avec 300 œuvres, on suit pendant six ans le jeune artiste, depuis son premier séjour à Paris en 1900, quand il représente son pays à l’exposition universelle. Entre la France et l’Espagne et avant le grand saut des « Demoiselles d’Avignon », les styles se succèdent. Les débuts sont inspirés de la riche palette de Van Gogh et du trait de Toulouse-Lautrec. De retour en Espagne, dans l’atmosphère du fameux cabaret Els Quatre Gats de Barcelone, c’est le tour des Catalans Santiago Rusinol et de Ramon Casas. Toutes ces influences se retrouvent dans sa première exposition à la galerie Vollard en 1901.
Le suicide de son ami Casagemas inaugure pour Picasso une période de repli et l’hommage qu’il lui rend vient du Gréco. Le bleu s’introduit jusqu’à devenir prédominant. Il est le silence, la douleur (« le Repas de l’aveugle »), la mort. Aux « Arlequin » succèdent les prostituées de la prison Saint-Lazare. On retrouve des motifs de Degas, Manet, Gauguin. Les formes se simplifient, le plus souvent cernées.
Son installation en 1904 au Bateau-Lavoir, qu’il nomme « Au rendez-vous des poètes », correspond à ses amitiés avec Apollinaire et Max Jacob, à l’apparition du rose. Le succès est au rendez-vous. C’est la période des « Saltimbanques » maniéristes, référence aux Sainte Famille de la Renaissance. La sculpture ibérique, associée à la pureté de l’art roman, le porte en 1906 vers la ligne d’Ingres et des formes épurées (grand « Baigneur »), qui se révèlent en ocre à Gósol, dans les Pyrénées. Tout est en place pour la géométrisation des formes et les débuts du cubisme inspiré de Cézanne.
Une reconnaissance plus ou moins rapide
Ces débuts sont confrontés au musée Picasso-Paris (2) à des chefs-d’œuvre qui ont révolutionné l’art au XXe siècle. Comment ont-ils accédé à ce statut ? Les circonstances en sont variables. Picasso n’a que 16 ans lorsqu’il remporte la médaille d'or de l'Exposition de Malaga en 1898 pour « Science et Charité ». Une incroyable maîtrise technique pour ce jeune artiste. C’est 32 ans après leur création que « les Demoiselles d'Avignon » (1907) entrent au MoMA de New York comme révolution de l’art moderne, bien qu’André Breton ait fait acheter le tableau par le couturier Jacques Doucet en 1924. « La Danse » (1925) est reconnue immédiatement par les surréalistes, mais c’est après l’exposition à la Tate anglaise et son achat par elle en 1965 qu’elle acquiert une reconnaissance plus large. C’est pour une des trois « Baigneuses » monumentales de 1937 aux corps déformés que la population de Bâle en Suisse descend dans la rue lorsque son propriétaire décide de suspendre son prêt au Musée. Malraux voit le symbole de la mort dans la sculpture « le Faucheur » (1943), dont le visage est l’empreinte d’un moule à pâté de sable ; il veut en faire un agrandissement, hommage à Baudelaire.
Les objets et dessins du quotidien, le brûleur à gaz devenu, une fois renversé, « Vénus du gaz », les sculptures de papier et dessins griffonnés seront reconnus lors de la vente après décès de sa compagne surréaliste Dora Maar. Ses sculptures quittent son intimité lors de l’Hommage à Pablo Picasso au Grand et au Petit Palais en 1966. Chaque œuvre ou série a son histoire et il en est de même pour les Arlequins, « les Femmes à leur toilette », les lithographies et même les très contestés « barbouillages » des dernières années, qui seront réévalués au regard d’artistes contemporains.
(1) « Picasso. Bleu et rose », jusqu'au 6 janvier. Tél. 01.40.49.48.14, www.musee-orsay.fr
(2) « Chefs-d’œuvre ! », jusqu'au 13 janvier. Tél. 01.85.56.00.36, www.museepicassoparis.fr
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