Free, avec grand orchestre, classique

Plusieurs nuances de jazz

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Publié le 17/06/2019
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Jazz-Harbeck

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Jazz-Hersch

Jazz-Hersch

Le jazz librement improvisé, également appelé « free », apporta un vent de liberté et une armada de musiciens, dont certains sont encore en activité, voire ont inspiré la nouvelle génération, comme au Royaume-Uni.

Paul Bley (1932-2016) faisait partie de cette flotte d'électrons libres. En témoigne « When Will The Blues Leave » (ECM/Universal), gravé en direct en 1999 à Lugano en Suisse et jusqu'alors inédit, dans lequel il donne une prestation rare. Le pianiste canadien, ex-mari de Carla Bley, compagnon de route d'Ornette Coleman et inspirateur de Keith Jarrett, est à la tête d'un de ses meilleurs trios, composé d'improvisateurs de très haute volée et inspirés, Gary Peacock (contrebasse) et Paul Motian (batterie). Le disque comprend des compositions personnelles, deux signées du bassiste, une autre d'Ornette Coleman, orientée free bop, qui donne son nom à l'album, et la reprise en solo d'un standard (« I Loves You, Porgy »). Ce qui permet à ces trois grands maîtres improvisateurs de bousculer à la fois la tradition et de peindre de nouvelles couleurs mélodiques et harmoniques. Hautement novateur !

Quel est le jazzman qui n'a jamais souhaité être aux commandes et/ou accompagné par un grand orchestre ? Fred Hersch en a rêvé et le WDR Big Band, dirigé par Vince Mendoza, l'a réalisé ! Le pianiste miraculé de 64 ans –  deux mois de coma en 2008 des suites d'une complication à sa séropositivité – s'est élevé pour faire évoluer son jeu, déjà aérien et subtil, vers le grandiose, le noble et le pur.

« Fred Hersch & The WDR Big Band Begin Again » (Palmetto Records/Bertus Distribution) propose de parcourir la très longue discographie du leader en neuf titres (dont un jamais enregistré), arrangés par le chef d'orchestre, appuyés par la toute-puissance du big band légendaire de la radio de Cologne et de ses solistes expressifs.

Et au milieu de ces treize éminents souffleurs (plus une section rythmique) coule la rivière délicate, romantique, sublime et parfois très personnelle du pianiste. Entre évocation d'une brillante carrière et bilan d'une vie accidentée, des moments intenses de la célébration d'une existence au service du jazz. Fred Hersch sera en trio le 16 juillet au Nice Jazz Festival.

L'esprit souffleur de Ben Webster

Le saxophoniste Ben Webster (1909-1973) était adulé au Danemark, où il avait résidé durant plusieurs années. Au point d'avoir une rue à son nom à Copenhague. Une vénération qui n'a pas échappé à son alter ego danois, Jan Harbeck, titulaire justement d'un prix Ben Webster, décerné par les autorités musicales de son pays. Le ténor de 43 ans inscrit son jeu et son phrasé dans un souffle puissant pour une sonorité de velours, dans l'esprit de son mentor (et aussi de Paul Gonsalves, ténor chez Duke Ellington).

Une évidence qui apparaît à l'écoute de son quatrième opus, « The Sound, The Rhythm » (Stunt Records/Una Volta Music). D'autant que l'on y retrouve trois compositions de celui qui était surnommé affectueusement Big Ben, au milieu de titres personnels et d'un morceau de Billy Strayhorn. Un album épicé et lyrique dans lequel alternent ballades et rythmes plus enlevés. Un magnifique hommage à celui qui était, avec Coleman Hawkins et Lester Young, un des trois grands saxophonistes ténors de l'époque classique et swing.

Didier Pennequin

Source : Le Quotidien du médecin: 9758