Peut-on aimer, désirer, éprouver du plaisir après avoir été déportée à 15 ans, après s’être mise nue la première fois sur l’ordre et sous le regard d’un nazi ? Pour le dire, Marceline Loridan-Ivens ouvre à 89 ans sa « valise d’amour », celle où, depuis son retour des camps en 1946, elle a conservé des lettres et autres papiers tendres échangés avec les hommes de sa vie. Pour écrire « l’Amour après » (1), la survivante d’Auschwitz, de Bergen-Belsen et de Theresienstadt, qui a perdu la vue, s’est tournée une nouvelle fois vers la journaliste et romancière Judith Perrignon, avec qui elle avait cosigné « Et tu n’es pas revenu », où elle évoquait son père et leur déportation commune.
Celle qui avait « tout vu de la mort sans rien connaître de l’amour » a vécu comme une femme libre dans le Paris d’après-guerre, beaucoup d’hommes l’ont aimée ou sont simplement tombés sous son charme. Elle a aussi cherché la caresse et la jouissance mais, dit-elle, « mon corps était sec, rien n’a jamais germé en moi ». On découvre ses maris, Francis Loridon, aimé puis délaissé, et le documentariste Joris Ivens, avec qui elle a partagé trente ans de sa vie et réalisé des films engagés, et aussi des amants, des hommes de passage, des amis, parmi lesquels l’écrivain Georges Perec ou le sociologue Edgar Morin. Pour celle qui n'eut comme identité que le matricule 78750, cette vie, pleine d'amour et de sentiments, était « vraiment du rabe ».
Un secret
Armel Job est un écrivain belge de langue française, auteur d’une vingtaine de romans souvent primés et qui l’ont désigné comme un maître du suspense. Dans « Une femme que j’aimais » (2), le narrateur, préparateur en pharmacie, couche par écrit une de « ces histoires qu’on préfère ne pas entendre ». Il y a vingt ans, il avait alors 29 ans, alors qu’il revenait tous les week-ends chez ses parents à Vieusart, où il ne se passait jamais rien, son seul plaisir était de visiter sa tante Adrienne, la veuve du frère aîné de son père, une très belle femme de 55 ans dont il était certainement amoureux, comme tous les hommes qui croisaient son regard. Un jour, il l’a découverte gisant sur le sol de sa cuisine, la nuque brisée. Peu de temps auparavant, elle avait essayé de lui confier un secret, mais il avait refusé de l’écouter. Pris de remords, le malheureux se mit alors en quête de la confidence qu’il n’avait pas voulu recevoir, interrogeant les témoins de sa vie passée, chaque rencontre lui suggérant une réponse que remet en question la suivante. C’est l’art de l’auteur de nous entraîner de fausse piste en fausse piste jusqu’à la révélation du fameux secret.
Le sujet de « Ceux qui s’aiment » (3) n’est pas l’amour, mais l’amour qui dure. Brice Torrecillas, qui est professeur, journaliste et auteur de trois romans, prend l’exemple du couple qu’il forme avec Hélène depuis trente-trois ans pour sonder le mystère de la vie à deux. En brossant le portrait de son épouse et leur parcours commun, il ne passe sous silence ni les doutes, ni les trahisons, ni les affrontements. Sans cynisme ni sentimentalisme, entre remarques féroces et marques de tendresse saupoudrées d’anecdotes pleines d’humour, il donne ainsi le récit des grands amoureux… Un roman presque subversif pour notre époque !
Mondes sans pitié
Journaliste à l’AFP, Claire Gallen publie son deuxième roman après « les Riches Heures », qui fut très apprécié. On retrouve son univers impitoyable dans « Rien à voir avec l’amour » (4), qui met en scène un triangle amoureux englué dans les mensonges, avec au centre du récit la mort d’une petite fille quinze ans auparavant. La mère de cette dernière, Sandra, était tombée amoureuse de Samuel, l'ami de son mari Rodolphe. Devenu le conseiller d’un homme politique en vue, Rodolphe, qui s'inquiète après avoir reçu une lettre anonyme à propos du décès de l’enfant, revient au Mephisto, la boîte de nuit miteuse que tient toujours Samuel, devenu un vieux beau arrogant et cynique et qui laisse Sandra tenir le vestiaire contre un salaire de misère. Passant du présent des personnages à leur trouble passé à l’aide de flash-back incisifs, Claire Gallen nous plonge, avec une écriture sans fioritures et quasi cinématographique, dans une atmosphère poisseuse et brumeuse comme le paysage qui les entoure.
Roman d’amour et roman social surtout, « Ta vie ou la mienne » (5) est le premier essai de Guillaume Para, un journaliste politique passionné de football. Il raconte l’histoire de Hamed Boutaleb, qui a grandi en Seine-Saint-Denis auprès d’un père que l’alcool rendait violent, puis dans les beaux quartiers de Saint-Cloud à la mort de celui-ci. Il y découvre une vie paisible, sa passion pour le foot et il se lie d’amitié avec un de ses coéquipiers, François. Lorsqu’à 16 ans il tombe amoureux de Léa, un bel avenir semble s'ouvrir mais, une nuit, le père de Léa est blessé au cours d’une agression et Hamed est désigné comme le coupable. Tandis qu’en prison il réapprend la violence pour survivre, Léa accouche d’un petit garçon, réconforté par François. L’histoire ne s’arrête pas là, car Hamed et Léa se retrouveront quelques années plus tard. Leur amour, qui avait déjà défié leurs différences, pourra-t-il se ranimer ?
(1) Grasset, 157 p., 16 €
(2) Robert Laffont, 197 p., 19,50 €
(3) Rocher, 170 p., 16,90 €
(4) Rouergue, 298 p., 21 €
(5) Anne Carrière, 195 p., 17 €
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série