L’OUVRAGE se veut captateur du mouvement qui voit une célébrité éclore, s’installer fièrement et finir… mal, car les demi-dieux meurent aussi. C’est dans le contexte du narcissisme que se situent les premières analyses. Elles permettent de répondre à un paradoxe apparent : pourquoi choisit-on une vie qui vous conduit à affronter des millions de fans quand on ne peut supporter l’image de soi ?
Visages de la mère, premiers échanges, premiers regards, ce sont les expériences fondatrices de notre identité, de notre estime de soi. Le narcissisme n’est pas un défaut mais un support, répètent les auteurs. Or, si on considère l’enfance, et surtout la petite enfance des stars de la chanson et du cinéma, il n’est question que de parents absents, morts prématurément ou ayant « délaissé leur rôle ». C’est à travers la nécessité de se construire une identité face à ce(s) parent(s) manquant(s) que la future star se dessine. Nous ne donnerons pas la liste trop célèbre de ces êtres, elle est longue, mais, comme disait Sacha Guitry, tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin.
On nous objectera que tous ceux dont l’existence fut fracassée très tôt n’acquièrent pas la célébrité. Et ici pas plus qu’ailleurs, il n’y a de recettes. Pourtant, en suivant avec nos duettistes le destin de Bob Dylan et de Jean Seberg, on découvrira une condition : développer une intense vie fantasmatique, voire mythomaniaque. Dylan s’invente orphelin errant, parcourant les États-Unis dans un cirque miteux ; il désigne le chanteur Woody Guthrie comme son père adoptif. Jean Seberg souhaite la reconnaissance et l’amour d’un père indifférent, dans ses rêveries elle devient une star mondiale.
Construction.
C’est avec beaucoup de finesse qu’est ensuite capté l’envol de la star. Comme le héros mythologique, il va affronter les monstres. Il devra donc construire sa légende ou, s’il est un peu pataud, le colonel Parker le fera pour lui. Étape obligatoire, la future star doit avoir traversé une « période bohème ».
Mais célébrité s’accorde avec célérité. Souvent le processus s’accélère, par exemple déclenché par le passage à Hambourg chez les Beatles. Six années se sont écoulées entre l’arrivée de Madonna à New York, sans le sou, et sa consécration. Il nous faut retourner vers le substrat narcissique.
En effet, il y a un narcissisme résultant du fait qu’on se construit contre, les autres, l’adversité. Mais lorsqu’on est devenu star, on connaît une phase de toute-puissance, apportée par un afflux d’argent fantastique, des possibilités sexuelles infinies. Voilà, disent les auteurs, que la star n’est plus qu’elle-même et que « sa majesté le bébé est de retour ». Ce sentiment de toute-puissance, de surestimation de soi, entraîne inversement une défaite croissante du principe de réalité.
Il faudra bien qu’elle retrouve sa raison. Cela peut arriver, hélas, en subissant échecs et éclipses de carrière. Embarrassée par ce double qui est lui, celui qu’adorent les fans, la star retrouvera un appui en s’engageant dans une cause bien terrestre.
Marlon Brando, Jane Fonda, Sting, Gérard Depardieu ont suivi une psychothérapie. « C’est, nous le pensons, un moyen supplémentaire efficace pour se retrouver », disent Muldworf et Corbobesse, ici pas totalement neutres.
Une chose est sûre, de James Dean à Kurt Cobain, les stars dévorées par tous les excès ne font pas de vieux os et laissent à leur mort beaucoup d’amertume et de mélancolie. Au décès d’Elvis, un de ses producteurs a déclaré : « C’est comme si quelqu’un venait me dire qu’il n’y aurait plus de cheeseburgers dans le monde. »
Éric Corbobesse, Laurent Muldworf, « Succès damné », 235 p., 17,90 euros.
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