S’il est écrivain, traducteur, éditeur, Alberto Manguel est d’abord un lecteur, qui a amassé quelque 35 000 ouvrages et les a amoureusement conservés en dépit de ses déménagements aux quatre coins du monde. Il les pensait en sécurité dans la bâtisse qu’il avait acquise dans un village du Poitou, mais il a été contraint de repartir à New York, puis finalement à Buenos Aires, sa ville natale, où il a dirigé un temps la Bibliothèque nationale d’Argentine. Alors que ses livres sont actuellement dans un garde-meubles au Canada, « Je remballe ma bibliothèque » (1) est un retour sur son histoire et les pays qu’il a connus, en même temps qu’une réflexion sur l’organisation d’une bibliothèque personnelle… qui n'a rien à voir avec une bibliothèque publique.
La Japonaise Ogawa Ito, auteure notamment du best-seller « le Restaurant de l’amour retrouvé », nous régale d’un roman tout en délicatesse. La jeune Hatoko fait ses premiers pas d’écrivain public dans « la Papeterie Tsubaki » (2), où sa grand-mère lui a enseigné l’art d’écrire pour les autres. On redécouvre ici l’importance du choix des mots, ainsi que des outils d’écriture, de la calligraphie, de la couleur d’encre, du papier, de l’enveloppe, du timbre. Au-delà de cet aspect artistique, on voit aussi comment la jeune femme acquiert un rôle de médiateur et comment la librairie devient un lieu de partage avec les autres.
Persécutions
Auteur de nombreuses biographies et directeur de la collection « Bouquins », Jean-Luc Barré publie un premier roman, « Pervers » (3), dont le héros, un écrivain célèbre, se targue d’être « le pire des monstres ». Un monstre d’égoïsme et de perversité, qui non seulement s’est nourri des drames qui ont jalonné sa vie, mais qui les avait déclenchés et mis en scène. Le suicide de sa fille en fait-il partie ? Une lettre anonyme conduit un journaliste à recueillir les confidences du romancier et sur les traces de ses proches. La vérité de l’homme est-elle celle de son personnage ?
La bonne humeur – relative – est de mise dans le nouveau roman de Jérôme Attal (« les Jonquilles de Green Park », « l’Appel de Portobello »), « 37, étoiles filantes » (4). Il se déroule en 1937 à Paris, à Montparnasse, où se croisent les intellectuels et créateurs de tous bords. Parmi eux, Alberto Giacometti, pas encore reconnu, et Jean-Paul Sartre, occupé par la publication de « la Nausée ». Des amis qui, après un bon mot du philosophe à l’encontre du sculpteur (« Pour une fois qu’il lui arrive ENFIN quelque chose ! »), se fâchent pour de vrai, l’artiste ayant juré de casser la gueule à l’écrivain. S’ensuivent une série d’échanges verbaux et de poursuites cocasses, jusqu’à l’accomplissement inattendu de ladite vengeance. Pour l'auteur, un prétexte pour revenir sur cette époque passionnante et ambiguë.
Yiyun Li avait 24 ans lorsqu’elle a quitté Pékin pour terminer ses études de médecine aux États-Unis. Diplômée en immunologie, elle a décidé de se consacrer à l’écriture après le succès de son recueil de nouvelles « Un millier d’années de bonnes prières ». Deux romans plus tard (« Un beau jour de printemps » et « Plus doux que la solitude »), elle publie un récit dont le titre, « Cher ami, de ma vie je vous écris dans votre vie » (5), est une citation de Katherine Mansfield, un des grands esprits de la littérature qui l’ont accompagnée. Écrit pendant les deux années d’une dépression qui l’ont conduite à être internée, l’ouvrage est une réflexion sur la lecture, l’écriture et la langue – l’anglais évidemment. Et une exploration intime de celle qu’elle a été, celle qu’elle est et celle qu’elle sera : enfant persécuté, scientifique, immigrante, mère, écrivaine. Un travail de reconstruction qui confronte à deux questions essentielles : pourquoi écrire ? Pourquoi vivre ?
Des Goncourt
Après un livre consacré à son père (« l’Homme de ma vie ») et un « Dictionnaire amoureux de la mer », Yann Queffélec, auteur d’une quarantaine de livres, rend hommage à Françoise Verny, disparue en 2004. Celle qui l’a fait naître non pas à l’écriture mais à la belle écriture, et qui lui a permis d’obtenir le prix Goncourt en 1985 pour son deuxième roman, « les Noces barbares ». Légende dans le monde de l’édition, cette forte femme – au physique comme au caractère –, dont on a dit beaucoup et son contraire, a amené le jeune auteur au succès, après sept années de travail et d’amitié. « Elle était à la fois une femme complètement dingue, et totalement inspirée », se souvient-il dans « Naissance d’un Goncourt » (6).
De Goncourt il est aussi question dans « Un écrivain » (7), le premier roman de Laure Arcelin, consultante juridique au ministère de la Santé. Alexandre Maigine est un auteur obscur, subitement mis en lumière lorsqu’il décroche le fameux prix. Il devient alors d’une jalousie maladive à l’égard du personnage qu’il a créé, Alexis, un écrivain mondain et frimeur, à qui ses lecteurs, et ses lectrices surtout, l’assimilent. Au point qu’il finit par lui ressembler. Entre Alexandre et Alexis, qui contrôle qui ? Et que se passe-t-il entre l’homme, l’écrivain et le personnage de papier ?
Avec son premier roman, « les Jours de silence » (8), Phillip Lewis nous plonge dans le décor grandiose des montagnes des Appalaches, d’où, comme son narrateur, il est originaire. Le roman, pétri de littérature, commence comme une saga familiale et s’étend des années 1950 à 2000. De retour dans son village natal avec sa femme et ses enfants, Henry Aster, homme de lettres révolté dans une contrée hostile aux bibliophiles, s’isole pour écrire le roman de sa vie ; puis il disparaît avec son manuscrit. Des années plus tard, ce sera au tour de son fils de fuir ces jours remplis de silence et de tenter de comprendre pourquoi son père a abandonné les siens en emportant son mystérieux manuscrit. Le portrait d'une famille du Sud pétrie de littérature mais incapable de trouver les mots pour exprimer ses sentiments.
(1) Actes Sud, 157 p., 18 € (2) Philippe Picquier, 375 p., 20 € (3) Grasset, 208 p., 18 € (4) Robert Laffont, 309 p., 20 € (5) Belfond, 211 p., 20 € (6) Calmann-Lévy, 226p., 17,50 € (7) Robert Laffont, 240 p., 18 € (8) Belfond, 427 p., 22 €
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série