Regards sur le mensonge

Le neuropsychologue aborde son sujet en délimitant ce que le mensonge est, et n'est pas. Le mensonge implique que son auteur pense que l'information qu'il délivre est fausse. Il implique également une duplicité, une complexité cognitive. Le menteur doit « gérer simultanément et en sens contraire deux pensées différentes, celle qu'il tient pour vraie et celle qu'il tient pour vraie et qu'il a décidé de taire, et celle qu'il sait ou pense fausse mais qu'il décide d'exprimer ».

Certains philosophes se sont polarisés sur le mensonge dans son essence, son principe. Mais Kant gère habilement les conséquences. Pourquoi faut-il dire la vérité à un possible assassin coursant une éventuelle victime ? Réponse de Kant : aucune organisation n'est possible dans une société ou tout le monde mentirait à tout le monde ! Il faut donc, même dans ce cas, dire la vérité.

On pourrait penser que l'auteur rattache exagérément parfois le mensonge à l'erreur ou à la tromperie. Qui aurait l'idée de penser que l'acteur qui interprète Hamlet devant nous est un menteur ? Mais on peut au contraire forcer cette note, lui donner une intéressante substance et en faire une sorte de moteur des relations humaines. Qui se souvient que René Descartes, le penseur de l'aveuglante évidence, avait pris comme adage « Larvatus prodeo », « Je m'avance masqué ».

Abordant ensuite la question de façon plus technique, l'auteur se penche sur les méthodes permettant de détecter le mensonge. Les pratiques qui relèvent de la psychologie cognitive, comme la lecture des émotions, donnant des résultats incertains, il fait le point sur des approches plus objectives, jusqu'aux recherches sur une éventuelle signature cérébrale du mensonge. Et de conclure sur une nécessaire prudence en la matière, face aux risques que pourraient faire courir à la vie privée les progrès des neurosciences.

Odile Jacob/Sciences, 320 p., 23,90 €