« Telluria » (1), du Russe Vladimir Sorokine, dont tous les romans tournent autour du totalitarisme, développe une sorte de fantasy allégorique qui nous plonge, après l’implosion de l’Europe et de la Russie, dans un monde où s’est instauré un nouveau Moyen Âge. Les réserves de gaz et de pétrole sont épuisées et, de l’Atlantique au Pacifique, une multitude de petits royaumes se livrent des guerres sans merci, tandis que la nature fait surgir des monstres sanguinaires. Dans ce chaos, les hommes ne croient plus en rien sauf au tellure, un métal plus fort que toutes les drogues, car capable de vous donner le Bonheur. Un roman puzzle constitué de 50 mini-romans, qui puise dans le grotesque et joue sur les différents codes langagiers pour décrire, de façon complètement déjantée, un futur annoncé.
Une nouvelle drogue, le « Glow » (2), est également au centre du roman éponyme du jeune auteur britannique Ned Beauman (distingué avec « l’Accident de téléportation »). Ce roman psychédélique se déroule à Londres en mai 2010. Les enlèvements de personnes se multiplient et une nouvelle substance hypnotique, le Glow, fait florès. Un jeune organisateur de rave parties, qui a la particularité d’être atteint du syndrome hypernycthéméral, mène l'enquête, dans des situations aussi dangereuses que rocambolesques. Beaucoup de rebondissements, donc, mais aussi de considérations sur les neurociences, toutes tendances confondues.
« Nous étions une frontière » (3), qui mélange petite et grande histoire, personnages réels et imaginaires, a pour thème essentiel la fin du rêve d'une paix éternelle héritée de la disparition de la Guerre Froide. Le récit va de la chute du mur de Berlin en novembre 1989 jusqu’en novembre 2019, deux ans après la victoire de Marine Le Pen, quand la France quitte l’OTAN et signe un pacte exclusif d’alliance économique et militaire avec la Russie. Qui tire les ficelles de cette réconciliation entre les anciens ennemis, alors que l’anarchie s’étend dans le monde et que s’installe le populisme, que les frontières de Yalta volent en éclat et que la foule des réfugiés grandit, demande Patrick de Friberg ?
Alors que son prochain roman est en lice pour le prix de la Foire de Leipzig, on découvre l’Allemand Thomas Melle avec « 3 000 € » (4), qui met en scène la réalité sociale implacable de la marginalité. La preuve par deux : Anton, qui n’a plus de travail ni de logement et tente d’oublier dans le sommeil et les rêves le procès qu’ont intenté contre lui les banques pour une dette de 3 000 € ; et Denise, qui use d’alcool et d’amphétamines en attendant de recevoir les 3 000 € promis pour avoir tourné dans un film porno, contre son gré, parce que son salaire de caissière ne suffisait pas pour élever sa fille. Ils finiront par se rencontrer. Mais y a-t-il encore de l’espoir pour les exclus de la société ?
Adolescents en danger
Les adolescents sont des victimes de choix, plus ou moins consentantes, de la société. Après son très beau « Soif de musique », sur le destin d’un très jeune pianiste prodige, Romel publie « Électre 21 » (5), sur le mythe d’Électre, revisité à l’ère digitale. Dans les années 2020, le fondateur d’une des premières sociétés mondiales de services et de technologies numériques est victime d’un « accident » fomenté par son épouse et l’amant de celle-ci ; sa fille et ses proches entreprennent de le venger. Une variation sur un mythe éternel dans un monde confronté aux défis d’un changement de civilisation.
Dans « l’Endroit le plus dangereux du monde » (6), l’Américaine Lindsey Lee Johnson part du suicide d’un garçon de 13 ans après que sa lettre d’amour à la belle Callista a été publiée sur les réseaux sociaux et qu’il n’a cessé d’être moqué et harcelé par ses camarades. L’auteure s’intéresse au devenir de ces jeunes aisés, livrés à eux-mêmes en l’absence de parents qui ont démissionné et qui vivent dans un monde virtuel et un faux paradis où sévissent alcool, drogue et sexe – et alors qu’ils restent en proie aux désarrois et aux faiblesses propres à l’adolescence.
Écrivain belge francophone prolixe et souvent récompensé, Armel Job se penche, dans « En son absence » (7), sur la disparition mystérieuse d’une lycéenne de 15 ans, dans les Ardennes. Ce que les policiers considéraient a priori comme une banale fugue va transformer la vie du paisible village en un maelström de peur, de soupçons, de mensonges et de malentendus, un aveu ou une omission ravivant des blessures que l’on croyait cicatrisées et mettant les âmes à nu.
(1) Actes Sud, 350 p., 22,50 €
(2) Joëlle Losfeld, 304 p., 22 €
(3) French Pulp, 456 p., 18,99 €
(4) Métailié, 190 p., 18 €
(5) Daphnis et Chloé, 259 p., 18 €
(6) JC Lattès, 376 p., 22 €
(7) Robert Laffont, 311 p., 19,50 €
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