Du ratage comme prélude à la joie

Réussir en échouant

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Publié le 26/09/2016
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Idées-Charles Pépin

Idées-Charles Pépin

On parle en général bien de sa passion. Charles Pépin observe les courts, lieux et occasions de tant de revers. Il cite Nadal, vaincu à 13 ans par Gasquet et qui le battra plus tard à 14 reprises et deviendra numéro un mondial, tandis que « le petit Mozart du tennis français », champion des juniors, échouera à remporter un tournoi du Grand Chelem.

Des exemples puisés à diverses sources illustrent les victoires remportées par ceux qui ont d'abord été écrasés par les obstacles. Charles de Gaulle, Winston Churchill, la chanteuse Barbara ou J. K. Rowling, la créatrice d'Harry Potter, ont terriblement échoué avant de réussir. C'est aussi Edison qui essaya de multiples fois de porter à incandescence un filament de tungstène. Le fait d'échouer fut une force stimulante et il réussit à faire fonctionner la première ampoule électrique.

C'est d'ailleurs sur le terrain de l'épistémologie que vient Charles Pépin, en s'appuyant sur les thèses de Gaston Bachelard. La science n'a pu se développer qu'en rectifiant des erreurs, en particulier en surmontant la semi-délirante alchimie pour « libérer » la chimie.

Mais l'attaque frontale du livre est en quelque sorte sociologique : il est terrible en France de rater, on devient immédiatement UN raté, identifié à son ratage. De fait, dit le philosophe, « l'échec nous fait mal parce qu'il vient fissurer notre carapace identitaire, notre image sociale ». Par peur d'échouer, nous ne nous jetons pas à l'eau, là où les Américains du Nord ne cessent de se brûler les ailes et d'en sortir souvent victorieux. De cette obsession de la bonne réponse, du résultat parfait, témoigne, dit l'auteur, tout notre système scolaire, qui fait l'objet d'une terrible remise en question.

Si les exemples et la théorie globale emportent l'adhésion, on pourrait faire une objection. Le livre donnant à la fois le conte et sa moralité, on ne peut qu'acquiescer. CQFD, oui, Untel en a bavé, oui, il a réussi à surmonter sa douleur. Mais n'y a-t-il pas là un petit effet d'illusion rétrospective ? Pure séquence créant une fausse impression de causalité, dirait Hume. Quid de ceux qui n'ont jamais remonté la pente, se sont abîmés dans le malheur ? De ceux qui sont passés d'un camp nazi à un camp stalinien ?

Reste que cet essai écrit avec la fougue, la sincérité et le talent que connaissent les aficionados de Charles Pépin, débouche avec bonheur sur la Joie, sujet de son livre précédent (Allary Éditions, 2015).

* Allary Éditions, 250 p., 18,90 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9520