Isabelle Carré, Thomas Solivérès

Seuls en scène avec un roman

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Publié le 10/11/2016
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Théâtre-Solivérès

Théâtre-Solivérès
Crédit photo : SVEND ANDERSEN

Théâtre-Th. Solivérès

Théâtre-Th. Solivérès
Crédit photo : SVEND ANDERSEN

Isabelle Carré a aimé « Un instant de grâce », le livre de Clémence Boulouque paru en janvier dernier (Flammarion). Elle a aussi aimé l’écrivain et universitaire (professeur d’études des religions à Columbia, New York), rencontrée sur un plateau de télévision, en France. Quelque temps plus tard, la comédienne a exprimé le désir d’incarner cette écriture et ce personnage. Clémence Boulouque a transformé son livre en monologue, laissant toute liberté au metteur en scène, Jérôme Kircher, et à l’interprète, d’apporter des retouches.

Cela donne un moment très sensible et touchant. Isabelle Carré ne cherche en rien à ressembler à Audrey Hepburn. Elle cherche son âme. On est à Dublin en 1964. Mel Ferrer, époux de la star, a organisé une rencontre avec le père, disparu pour mieux s’engager dans le national-socialisme. Une blessure intellectuelle et morale pour Audrey Hepburn, une blessure affective surtout. Elle était une petite fille. Elle s’est sentie obscurément coupable.

Dans un fauteuil de cuir – on est dans un hôtel, elle l’attend –, la jeune femme se souvient, redoute, espère. C’est  bien composé et l’on découvre la vie de la belle Audrey Hepburn. Le texte permet à Isabelle Carré, très bien dirigée par Jérôme Kircher, de laisser sourdre, sans pathétisme excessif, avec retenue et profondeur, la vérité d’une femme.

Une performance

Ivan Calbérac est scénariste, cinéaste. Après deux pièces, il a connu le succès au théâtre avec une comédie très amusante, « l’Étudiante et Monsieur Henri », marquée par l’interprétation du regretté Roger Dumas. En octobre 2015, il a publié un roman en partie autobiographique : « Venise n’est pas en Italie » (Flammarion). Irrésistible de cocasserie et très sensible, c’est l‘histoire d’un adolescent d’une famille modeste qui tombe amoureux d’une camarade d’un milieu artistique et snob. Mais la jeune fille est sans préjugés : elle l’invite à Venise…Toute la famille accompagne le jeune homme en voiture, avec la caravane qui leur sert de maison. Honte évidemment !  

Ivan Calbérac a adapté son livre, assez dense et savoureux, avec maestria et le met très bien en scène. Il peut s’appuyer sur le prodigieux talent – et on pèse ses mots – de Thomas  Solivérès, notamment révélé par « Harold et Maude » au côté de Line Renaud. Sa présence, sa mobilité, la profondeur de ses dons et de son intelligence font de « Venise n’est pas en Italie » l’un des meilleurs spectacles que vous puissiez voir actuellement.

Une scénographie astucieuse, de belles lumières soutiennent le propos. On rit, on pleure, on sourit, on a le cœur serré et on s’amuse. On admire cette performance à la Philippe Caubère. Thomas Solivérès n’est jamais dans la caricature. Mais avec finesse et légèreté, il fait vivre toute une troupe de personnages, sans jamais lâcher le fil de cet ado attachant. Du très personnel, on passe à une expérience universelle.

 

– Théâtre de l’Œuvre, à 19 heures du mardi au samedi, à 18 heures dimanche. Jusqu’en janvier. Tél. 01.44.53.88.88, www.theatredeloeuvre.com
– Théâtre des Béliers cParisiens, à 19 heures du mercredi au samedi, à 15 h 30 dimanche. Jusque fin décembre. Tél. 01.42.62.35.00, www.theatredesbeliersparisiens.com

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9533