Lève-toi et remarche

Succès d’électrostimulations chez un jeune paraplégique

Publié le 23/05/2011
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« HARKEMA et son équipe ont obtenu chez un patient paraplégique un niveau de récupération fonctionnelle qui demeure sans précédent dans le traitement des lésions complètes de moelle » écrivent trois éditorialistes (suisses et russe) dans le « Lancet ». Ils poursuivent « nous entrons dans une nouvelle ère, celle où le moment est venu pour les patients atteints d’une lésion de moelle de bouger. »

Ces commentaires élogieux font suite à la publication par des auteurs américains (associant des Russes et des Italiens) de la récupération de mouvements volontaires, du procubitus et de la marche (avec aide) chez un homme accidenté à l’âge de 23 ans. Ce succès a été obtenu grâce à des électrostimulations épidurales au niveau de la moelle lombo sacrée, associées à une rééducation intensive.

En 2006, le jeune patient était victime d’un accident de la voie publique. L’examen initial révélait une paraplégie due à une subluxation C7-D1 associant une lésion de la moelle cervicale basse et thoracique haute. Il conservait quelques contractions volontaires de muscles des membres supérieurs (triceps, mains), rien au niveau des membres inférieurs ou des sphincters, à part quelques sensations au toucher ou à la piqûre.

16 électrodes sur la dure-mère.

Après 170 séances d’entraînement locomoteur, en décembre 2009, soit 3,4 ans après l’accident, un faisceau de 16 électrodes était chirurgicalement implanté sur la dure-mère, au niveau des segments L1-S1. Des stimulations ont alors été réalisées, en moyenne pendant 54 minutes (40 à 120) au cours de séances allant parfois jusqu’à 250 minutes. L’amplitude électrique variait de 0,5 à 10 volts et la fréquence de 5 à 40 Hz. En tout 29 séances ont été réalisées avec de multiples combinaisons. Leur objectif, que le patient se lève et marche.

La stimulation épidurale associée à des informations sensorielles sur l’extension bilatérale et la mise en charge à permis le lever, sans aide manuelle, au premier essai. Le poids du corps était allégé pour n’être que de 65 %. Progressivement, en diminuant le soutien, le patient a pu supporter la totalité de son poids de corps. Il a pu ensuite réaliser une activité rythmique proche de la marche, avec une aide manuelle, au cours de stimulations électriques. Au septième mois de l’implantation, le jeune homme avait récupéré un contrôle supramédullaire de quelques mouvements des jambes, uniquement au cours de stimulations.

Notre étude expliquent les chercheurs montre que chez ces patients des stimuli sensoriels, grâce aux électrodes, peuvent fournir un contrôle des circuits médullaires en l’absence de stimuli supramédullaires. « L’information sensorielle devient une source de contrôle du mouvement en l’absence d’informations supramédullaires cliniquement détectables » ajoutent les éditorialistes.

Des connexions supramédullaires résiduelles.

Comment cela est-il possible ? L’explication, suggèrent S. Harkema et coll., se trouverait soit dans des connexions supramédullaires résiduelles, qui n’auraient pas été détectées et qui seraient réactivées, soit dans l’apparition de nouvelles connexions supramédullaire dirigées vers le réseau médullaire. Deux mécanismes, sont dès, lors possibles. Le premier : les électrostimulations ont créé une excitation des interneurones lombosacrés et des motoneurones, ce qui combiné à la faible activité excitatrice des axones descendants a permis l’activation des motoneurones. Le second : la régénération axonale a été induite par une mécanisme dépendant de l’activité au cours des 7 mois d’implantation. Les mêmes mécanismes peuvent expliquer une amélioration des fonctions vésicales, sexuelles et de thermorégulation.

Aux plans neurobiologique et clinique, il est important de constater, écrivent les auteurs, que le contrôle supramédullaire n’est survenu qu’avec des stimulations épidurales continues.

Bien sûr, ce travail, par son côté très expérimental, montre quelques faiblesses. Il ne s’agit de données obtenues que chez un unique patient ; des limitations techniques n’ont pas permis d’analyser certaines différences entre paramètres ; enfin, il n’a pu évaluer quelles connexions existaient après l’accident et après les stimulations.

Lancet, édition en ligne doi :10.1016/S0140-6736(11)60547-3 et 60711-3 (éditorial).

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8968