Les livres de l'été (2)

Thrillers de tous les temps

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Publié le 17/06/2019
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L17/06-Black Mirror

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L17/06-M, le bord de l'abîme

L17/06-M, le bord de l'abîme

L17/06-Article 36

L17/06-Article 36

L17/06-La Cité des hommes saints

L17/06-La Cité des hommes saints

L17/06-La Chasseuse de trolls

L17/06-La Chasseuse de trolls

L17/06-Cari Mora

L17/06-Cari Mora

Entre deux enquêtes du commandant Servaz (de « Glacé » en 2011 à « Sœurs » en 2018), qui l’ont imposé comme un grand auteur de thrillers, Bernard Minier revient, dans « M, le bord de l’abîme » (1), sur ses inquiétudes, abordées dans « Une putain d’histoire », concernant la spoliation de nos libertés individuelles. « M » est l’emblème du géant de l’internet chinois Ming Inc., c’est aussi la référence à la jeune Française héroïne de ce thriller, Moïra Chevalier. Recrutée pour travailler sur DEUS, un chatbot révolutionnaire que développe l’empire Ming, elle s’aperçoit vite que la peur règne, tandis que des employés sont victimes d’accidents, de suicides ou d’assassinats. Un roman qui parle de paranoïa, de manipulation, de la fin de la vie privée, de ces grandes firmes du Net qui tirent les ficelles et de l’impact de l’intelligence artificielle sur nos vies, nos choix.

Après 13 ans de silence, « Cari Mora » (2) signe le retour du père du plus intelligent et sanglant des serial killers, « Hannibal le cannibale », le psychiatre Hannibal Lecter, mis en scène dans quatre livres depuis 1981 (« Dragon rouge », « le Silence des agneaux », « Hannibal » et « Hannibal Lecter : Les origines du mal »). Ce nouveau roman n’a rien à voir avec la tétralogie mais offre son lot d’atrocités. Le maléfique Hans-Peter Schneider vient avec sa clique pour voler les lingots d’or qui seraient cachés sous la maison de Pablo Escobar à Miami Beach ; pour l’empêcher, il n’y a que la gardienne, la belle Cari Mora. Schneider ignore que la jeune femme d’origine colombienne est une ancienne enfant-soldat. L’avidité et l’absence de scrupules et de morale contre l’instinct de survie et les obsessions macabres. Le Mal et le Bien dans un combat à mort(s).

Premier livre traduit en français du Suédois Stefan Spjut, « la Chasseuse de trolls » (3) est un gros pavé, fruit de 14 ans d’écriture. S’il démarre avec l’enlèvement d’un enfant, il se démarque très vite des polars nordiques pour se tourner vers le fantastique. Mieux, c’est en nous immergeant dans la banalité du quotidien rural qu’il crée une ambiance délétère et nous conduit du naturel au surnaturel. Dans les pas d’une jeune cryptozoologue, sur la piste de ces êtres qui se cachent depuis la nuit des temps, on part avec délectation et terreur à la rencontre d’êtres gigantesques et de petits animaux tout aussi étranges. La forêt comme dernier espace où se perdre.

Des jours difficiles à venir

« Article 36 » (4) se situe au début du mois de janvier 2020, dans une France sous tension pour cause d’émeutes en banlieues et d’attentats terroristes. Le président de la République a activé l’article 36 de la Constitution, donnant aux militaires le contrôle du pays. Journaliste politique, Henri Vernet a écrit un livre très documenté, qui nous entraîne dans les arcanes des institutions policières, sécuritaires et militaires avec maints détails juridiques et historiques ; et qui imagine comment, une fois l’ordre républicain rétabli, la situation échappe à tout contrôle politique. Au risque de couper –vraiment – la France en deux.

Particulièrement goûteux, « Nos derniers festins » (5) nous projette en 2044 alors que règne en France une prohibition alimentaire. Le temps est revenu des trafics de denrées, du marché noir, avec de violents conflits entre véganes, omnivores, locavores ou animalistes. Des agapes sont organisées par des sociétés secrètes, au risque de se faire « sucrer » des points sur le permis de table instauré par l’État, qui comptabilise le gras, le sucre ou l’alcool ingérés, et de perdre toute protection sociale. Sans négliger l’intrigue policière – un cuisinier est retrouvé ébouillanté dans sa marmite de blanquette de veau –, et en usant d’humour sans modération, Chantal Pelletier attire l’attention sur une dérive du contrôle de l'État qui, sous prétexte de veiller à la santé et au bien-être des citoyens, ne vise qu’une diminution des dépenses sociales. Un régal.

Les amateurs de thrillers historiques ne manqueront pas le dernier volet des aventures du Corps national des quêteurs, développées précédemment dans « la Table du roi Salomon » et « l’Oasis éternelle » par Luis Montero Manglano. Leurs recherches les conduisent à Cibola, une ville mythique d’Amérique du Sud, « La Cité des hommes saints » (6). C’est donc au cœur de la forêt vierge que se déroulera l’affrontement final entre l’institution madrilène chargée de rapatrier les œuvres du patrimoine espagnol et la puissance occulte qui manipule la multinationale Voynich.

Alors que la série britannique culte « Black Mirror » fait les beaux jours de Netflix avec sa saison 5, on peut en découvrir les coulisses dans l’album « Black Mirror (Inside) » (7), signé de son créateur, producteur et scénariste Charlie Brooker (avec Annabel Jones et Jason Arnopp). L’ouvrage, très illustré, est constitué d’un ensemble d’entretiens au cours desquels les auteurs, acteurs, décorateurs, spécialistes des effets spéciaux… déploient et décortiquent, saison par saison depuis 2011, leurs sources d’inspiration et leurs manières de travailler. On sait que chacun de ces épisodes est centré sur une technologie qui existe déjà et montre comment celle-ci pourrait évoluer dans un futur proche, le plus souvent pour le pire, entre des mains mal intentionnées.

 

(1) XO Éditions, 564 p., 21,90 €

(2) Calmann-Lévy, 298 p., 19,90 €

(3) Actes Sud, 636 p., 23,80 €

(4) JC Lattès, 418 p., 20 €

(5) Gallimard, 196 p., 18,50 €

(6) Actes Sud, 622 p., 24 €

(7) Kero, 316 p., 21,50 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9758