« La séduction n'est nullement un phénomène qui échappe au travail des cultures et des civilisations. » Peu étudiée en elle-même, ou réduite à une superficielle minauderie, elle est en fait partout. Qui se fiche totalement de son apparence ? Qui ne cherche à développer des stratégies ? Ce qui fait de ce phénomène, dit Gilles Lipovetsky, « une puissance structurante des rapports sociaux ».
Ajoutons à ces généralités que si les comportements relatifs à la vie amoureuse et sexuelle furent longtemps codifiés par des règles traditionnelles, réfractaires aux changements, notre époque vit une offre infinie, une « irrésistible extension du domaine de la séduction ». Est-il besoin d'insister sur le rôle d'Internet dans la généralisation de cette offre ? Plus prosaïquement naissent de nouvelles conduites qui vont dans le sens du libéralisme, renforcent l'image d'un individu maître de sa vie et de ses désirs, soucieux de « faire son marché » dans le domaine des sentiments et des pulsions.
Aussi l'auteur paraît-il souvent en guerre contre l'idée que notre société de la marchandise aurait tué la légèreté et le charme. À rebours de certains poncifs, il ose même dire que la publicité n'est pas que tromperie et mensonge : ceux qui cèdent à ses sirènes ont avant tout besoin d'être charmés et séduits, tant il est vrai que, comme le disait le designer Raymond Loewy, « la laideur se vend mal ».
Une partie importante du livre est consacrée à l'historique des pratiques amoureuses et aux conceptions de la rencontre que cela présuppose. Ainsi le philosophe analyse-t-il la galanterie, le flirt, la drague, pour constater que même lorsque les modèles sociaux changent, c'est toujours l'homme qui a peu ou prou l'initiative. Mais Internet a tout balayé, par la combinaison d'une technologie, le numérique, et d'un marché multipliant les offres à l'infini.
Sublimation
Le cœur des analyses de Gilles Lipovetsky tient à la nécessité de montrer que tout ce qui est horrible dans l'économie capitaliste peut se transformer, se sublimer heureusement. Par exemple le gaspillage, l'obsolescence programmée des appareils conduit à en créer sans cesse de plus légers, de plus agréables à utiliser. Il n'est pas jusqu'à l'avènement de l'ère post-carbone qui ne puisse orienter notre consommation. Tandis que l'ère individualiste accroîtra les créations artistiques : de séduits, les êtres se feront encore plus séduisants, grâce à leur créativité.
Certains diront que ce livre nous fait régresser vers la glorification de ce qui fut la société de consommation – « Le bonheur c'est d'acheter », approuvaient 80 % des Français dans une enquête ObSoCo de 2015. D'autres remarqueront que c'est justement le retour de l'ère du vide, mais résisteront mal à une pertinence séductrice, celle qui fait l'intérêt et le charme de ces analyses.
Gilles Lipovetsky, « Plaire et Toucher », Gallimard, 480 p., 23 €
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