De la réalité à l'écran

Trois étonnants personnages

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Publié le 14/09/2017
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Ciné-Nos années folles

Ciné-Nos années folles
Crédit photo : ARP

* « Nos années folles »

Mobilisé en 1914 Paul Grappe ne supporte pas les horreurs des combats. Comme bien d'autres. Mais lui déserte et se cache. Pour le protéger, Louise, son épouse, le travestit en femme. Il devient Suzanne, une identité à laquelle, dans l'apparente liberté des Années folles, il aura du mal à renoncer, même après l'amnistie de 1925.

Adaptant « la Garçonne et l'Assassin », des historiens Fabrice Virgili et Danièle Voldman (Payot), André Téchiné évite les pièges de la reconstitution réaliste pour mieux restituer le climat d'une époque avec ce qu'elle avait de baroque. Et surtout évoquer le trouble de cette personnalité double qui va mettre à l'épreuve l'amour fou du couple.

Paul ou Suzanne, quelle est la vraie personne ? On ne le sait pas, ou plus. Avec un Pierre Deladonchamps (« l'Inconnu du lac », « le Fils de Jean ») particulièrement inspiré, Téchiné excelle à montrer les étapes d'une impressionnante transformation, puis la façon dont l'apparence prend le dessus sur toute la personnalité. Céline Sallette joue sa partition avec non moins de nuances. Et l'on sort définitivement troublé par ce triomphe de l'illusion.

* « Le Redoutable »

Après l'ambitieux « The Search », Michel Hazanavicius revient au pastiche, qui lui avait si bien réussi avec les « OSS 117 ». Mais avec toujours autant d'ambition, voire plus, puisqu'il s'agit d'oser faire revivre, en s'inspirant librement du livre d'Anne Wiazemsky « Un an après », le Jean-Luc Godard de 1968, que sa crise révolutionnaire maoïste conduit à renier ses propres films et quasiment tout le cinéma.

Si les lunettes, un début de calvitie et un parler un peu chuintant (excellent Louis Garrel) évoquent bien le cinéaste de « la Chinoise », de même que les sentences définitives et parfois absconses, Hazanavicius dit avoir créé un Godard de fiction et voulu surtout raconter une histoire d'amour. En se faisant accessoirement le plaisir de revisiter les événements de Mai 1968

On rit beaucoup, c'est le but recherché, mais peut-être seulement si l'on connaît bien cette époque et ses débats politico-cinématographiques. Sinon, le film risque de laisser les spectateurs perplexes face à un personnage insupportable, se demandant pourquoi la charmante Anne (Stacy Martin) met tant de temps à désapprendre à l'aimer (1 h 42 exactement). Quant au « Redoutable », c'est le nom d'un sous-marin dont on parlait alors beaucoup, Godard citant souvent la phrase d'un journaliste, « Ainsi va la vie à bord du "Redoutable" ».

* « Barry Seal : American Trafic »

Le scénariste Gary Spinelli a découvert Barry Seal dans l'histoire américaine récente. Ce pilote arriviste qui arrondissait ses fins de mois avec quelques trafics a été recruté par la CIA et s'est retrouvé à mener double, voire triple, jeu entre les services américains, les trafiquants de drogue colombiens (dont Escobar) et les Contras nicaragayens.

On ne s'y retrouve pas toujours dans les machinations des uns et des autres car l'affaire est menée à vive allure. Le film de Doug Liman est, comme « Edge of Tomorrow », au service de Tom Cruise. Il faut reconnaître que le personnage lui va très bien, avec son mélange d'arrogance, de décontraction et de maîtrise des situations dramatiques. De l'action, de l'humour, si l'on se libère d'une grande ambition cinématographique, on passe un bon moment.

Et aussi

Pourquoi ne pas se laisser tenter par les jeunes frères Safdie, Josh et Bennie (33 et 31 ans), qui offrent avec « Happy Time » un polar inventif et vigoureux, renouvelant scènes de braquage et de cavale dans New York ? Avec Robert Pattinson ravi d'être là et Benny Sadfie, dans le rôle du frère handicapé mental qui se retrouve en prison.

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9601