Trois plus un

« Ariane et Barbe-Bleue »

Produite par l’Opéra de Zurich et filmée à Barcelone en 2011, cette mise en scène de Claus Guth d’« Ariane et Barbe-Bleue », de Paul Dukas, est une réussite totale. Par sa conception, d’abord, très claire, avec une scénographie un peu clinique mais qui respecte la part onirique et mystérieuse de la pièce de Maeterlinck d’après le conte de Perrault et autorise une lecture parfaitement explicite de l’action. Rien n’est refusé au spectateur, ni les sept portes, ni les bijoux, ni la souffrance des femmes, et encore moins celle de Barbe-Bleue, tout à fait réaliste. Musicalement, tout est de premier ordre (sauf parfois la prononciation, à laquelle supplée le sous-titrage…). Jeanne-Michèle Charbonnet et Patricia Bardet sont à l’aise dans les tessitures cruelles d’Ariane et de la nourrice, toutes les femmes de Barbe-Bleue, particulièrement Sélysette (Gamma Coma-Alabert) et Bellangère (Salomé Haller), sont bouleversantes et le rôle un peu lourd de Barbe-Bleue convient parfaitement aux moyens actuels de José Van Dam, comme toujours acteur de grande classe. Cet opéra trouve d’emblée ici sa version de référence. (1 DVD Opus Arte)

« Le Couronnement de Poppée »

L’opéra ultime de Monteverdi a fait cette année l’objet de plusieurs publications en DVD, dont cette version proposée à l’Opéra de Lille, en mars dernier, par Jean-François Sivadier et Emmanuelle Haïm. Auteur de quelques belles réalisations sur la même scène (« Noces de Figaro », « Carmen ») et à Aix-en-Provence (« Traviata »), Sivadier offre à nouveau une réalisation fondée sur le théâtre dans le théâtre, montrant le travail en train de se faire, au risque de paraître utiliser les mêmes ficelles, voire de tomber dans les tics de metteur en scène. Musicalement, cela se situe à un niveau supérieur. La réalisation d’Emmanuelle Haïm, à la tête d’un Concert d’Astrée étoffé, survolté et si riche en beautés sonores, est d’une vitalité extravagante. La distribution fait surtout honneur aux dames. Sonya Yoncheva domine, avec une Poppée magnifique plastiquement et d’une opulence vocale, d’une sensualité et d’une acuité scénique qui impressionnent. Ann Hallenberg met la même intensité dramatique dans Ottavia, l’impératrice déchue, et Amel Brahim-Djelloul est remarquable par la caractérisation vocale du personnage de Drusilla. La déception principale vient de Max-Emmanuel Cencic, trop débraillé vocalement désormais pour couvrir l’étendue des difficultés vocales de Nerone, avec des aigus arrachés et le timbre pas toujours très convaincant. La caractérisation hystérique de son personnage à la chevelure peroxydée va peut-être dans le sens de ce débraillé vocal, mais n’en fait pas un empereur attachant. (2 DVD Erato – ex-Virgin Classics)

« Attila »

Désormais, le DVD va devoir compter avec les productions du Théâtre Mariinsky. « Attila », Verdi rare, est ici mené de main de maître par Valery Gergiev. Avec de grandes, belles et saines voix, autant chez les basses, les ténors que les dames, et des chœurs d’une fermeté et d’un style magnifiques. La mise en scène d’Arturo Gama, sobre, claire et parfaitement traditionnelle, sans être riche, ni opulente, montre le mélodrame au tout premier degré et sous son meilleur jour, grâce à des décors et costumes très colorés et suggestifs. (1 DVD Mariinsky Label)

« Don Giovanni »

La mise en scène de Dmitri Tcherniakov à Aix-en-Provence en 2010 (reprise l’été dernier), qui réduit le « Don Giovanni » de Mozart à une histoire de famille, ne tient pas très longtemps la route, malgré une direction d’acteur époustouflante. Dès le deuxième acte, on ne comprend plus rien et le soufflé retombe lamentablement. Bo Skovus crée cependant un personnage extraordinaire, seul rescapé d’une distribution indigne d’un festival international d’art lyrique. La direction de Louis Langrée, à la tête du Freiburger Barockorchester, n’est pas inoubliable. D’autres références du chef-d’œuvre mozartien existent à la pelle. (2 DVD Bel Air classiques)