Célèbre sur les scènes lyriques pour ses réalisations des opéras-bouffes et opérettes de Jacques Offenbach, le metteur en scène français Laurent Pelly s’attaque avec ce « Cosi fan Tutte » au dernier volet de la trilogie de Mozart et Da Ponte. Il dispose pour cela d’une distribution homogène, jeune et engagée dramatiquement. S’ils n’ont pas tous le format vocal et la projection nécessaires pour leurs rôles, qui comportent des airs d’une grande difficulté vocale, les quatre protagonistes de ce dramma giocoso, Vannina Santoni (Fiordiligi), Gaëlle Arquez (Dorabella), Cyrille Dubois (Ferrando) et Florian Sempey (Guglielmo), ont un style mozartien parfait. Mais ce sont surtout quatre excellents comédiens, très crédibles physiquement et qui se plient avec facilité à cette transposition de l’œuvre dans notre siècle.
Laurent Pelly reprend un procédé utilisé au Festival de Salzbourg en 2011 par l'Allemand Christof Loy : l’action se déroule dans un studio d’enregistrement (magnifique scénographie vintage de Chantal Thomas d’après un studio berlinois historique), où les six chanteurs en costume de ville enregistrent l’œuvre. Au fur et à mesure de l’enregistrement, les chanteurs se prennent à jouer leur rôle en s’éloignant du protocole du studio pour laisser place à un jeu plus traditionnel de l’œuvre, quitte à y revenir par instants, notamment quand l’action se fige sur un air. Laurent Pelly ne cherche pas à convaincre que cette histoire du XVIIIe siècle sous-titrée « L’École des amants », inspirée à Lorenzo Da Ponte par un fait divers italien, pourrait être vraisemblable de nos jours. Il en exploite habilement les invraisemblances avec des travestissements d’époque et les personnages sont si crédibles que tout fonctionne parfaitement.
La réussite musicale de l’ensemble repose sur les épaules d’Emmanuelle Haïm, qui réussit une direction énergique et acérée, avec des tempi vifs et justes, un continuo qui rend les récitatifs très vivants et donne une structure dramatique très efficace à la pièce. Les musiciens de son ensemble Le Concert d’Astrée, tout comme le chœur Unikanti, répondent parfaitement à cette vision très réussie du plus grinçant des opéras de Mozart. (Jusqu'au 20 mars, theatrechampselysees.fr, sur France Musique le samedi 16 avril à 20 heures).
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