* « L'Incroyable Histoire du facteur Cheval », de Nils Tavernier
À artiste naïf, film à sa manière naïf, en tout cas classique – ce n'est pas un reproche. Nils Tavernier ne s'autorise pas de fantaisie, de fantasmes, puisqu'ils sont dans le « palais idéal » que Ferdinand Cheval, facteur rural dans la Drôme de la deuxième moitié du XIXe siècle, mettra 33 ans à édifier. Son incroyable histoire est ainsi contée de façon linéaire, au fil des jours de bonheur et, plus souvent, des drames qui rythment une vie quotidienne difficile et répétitive. Au fil des saisons aussi, des paysages aux changements de couleurs dont le cinéaste parvient à saisir la beauté éphémère.
Le facteur Cheval, donc. Pour sa tournée, il parcourt chaque jour à pied quelque 33 km. Il rencontre sa deuxième femme. Plus tard, il bute sur une pierre aux contours étranges. Les deux événements semblent presque d'égale importance ! Quasi mutique, l'homme a une personnalité étrange que le scénario ne cherche pas à expliquer, pas plus qu'il n'essaie de percer la nature de son génie artistique. L'homme est à prendre ou à laisser, tout comme son bizarre et débordant édifice, que l'on voit monter peu à peu.
C'est dire l'importance de l'interprétation du personnage. Jacques Gamblin le construit avec le plissement des yeux, l'impassibilité du visage, la raideur du corps. Il est impressionnant. Déroutant au début, puis de plus en plus émouvant.
* « The Front Runner », de Jason Reitman
En 1987, le sénateur du Colorado Gary Hart fait la course en tête (il est the Front Runner) pour l'investiture démocrate aux élections présidentielles américaines. En avril, il dispose d'une énorme avance dans les sondages. Le 8 mai, sous le soupçon d'une liaison adultère, il annonce le retrait de sa candidature.
Ce qui s'est passé, que raconte Jason Reitman, d'après un livre du journaliste politique Matt Bay, c'est le changement d'époque médiatique, avec l'émergence de l'information en continu et le brouillage des lignes entre politique et divertissement. Idéaliste, tout entier à son combat, Gary Hart (Hugh Jackman) ne comprend pas qu'on s'intéresse à sa vie privée et d'éventuelles infidélités et que ces questions effacent tout autre préoccupation. En particulier celle de savoir qui est le plus apte à diriger le pays.
Sans porter de jugement, Jason Reitman montre bien le rôle ambigu des médias les plus sérieux, comme le « Washington Post », obligé de suivre le courant de la presse à scandale. Même si l'on connaît le dénouement, les étapes de cette chute express fonctionnent comme un thriller (qui aurait pu être plus rythmé, mais sans doute faut-il expliciter les choses pour les jeunes générations). Et l'on reconnaît si bien les dérives d'aujourd'hui !
* « Une jeunesse dorée », d'Eva Ionesco
Après « My Little Princess », en 2011, et son roman « Innocence », publié en 2017, dans lesquels elle évoque sa drôle d'enfance et son rôle de modèle érotique pour sa mère photographe, Eva Ionesco poursuit dans la veine autobiographique. Pardon, dans l'autofiction.
Ici, c'est une adolescente de 16 ans qui sort du foyer où elle a été placée, grâce à son fiancé de 22 ans, un peintre désargenté. Ils s'aiment vraiment, mais vivent au jour le jour, à la nuit la nuit, plutôt, de fêtes en fêtes, au gré des rencontres. Et voici la fiction, un couple de riches oisifs qui vont bousculer l'existence des deux jeunes gens.
« Une jeunesse dorée », « conte cruel », selon la réalisatrice, raconte les années Palace, la salle mythique animée par Fabrice Emaer, « la fête, la mixité, la liberté, mais aussi la violence, la drogue ». Nous sommes en 1979, la catastrophe du sida est à venir. Mais, se rappelle Eva Ionesco, qui a écrit le scénario avec son compagnon Simon Liberati, « nous voulions vivre comme au cinéma et nous étions persuadés que nous allions tous mourir jeunes ».
La reconstitution est flamboyante, bande-son comprise. Les relations entre les deux couples ont ce qu'il faut de perversité pour mettre mal à l'aise. La jeune fille est incarnée non sans maladresse (voulue ?) par Galatéa Bellugi, face au troublant Lukas Ionesco (le fils d'Eva) et aux deux grands professionnels que sont Isabelle Huppert et Melvil Poupaud.
* « Ayka », de Sergey Dvortsevoy
Cinq jours dans la vie d'une immigrée clandestine kirghize à Moscou. Elle vient d'accoucher mais s'enfuit de la maternité pour tenter de trouver l'argent qu'elle doit à des individus menaçants. La neige, le froid, les pièces où s'entassent les clandestins, les boulots impossibles (plumer des poulets, dégager les rues, nettoyer la clinique d'un vétérinaire qui ne la voit pas alors qu'il est aux petits soins pour ses clientes à chien-chien). Elle a une hémorragie, les seins très douloureux. Un chemin de croix filmé en plans rapprochés. Comme l'héroïne (Samal Yeslyamova, prix d'interprétation à Cannes), on ne peut pas sortir de la situation.
* Et aussi
« Doubles Vies », comédie d'Olivier Assayas, avec Guillaume Canet, Juliette Binoche, Vincent Macaigne et Nora Hamzawi, l'amour, l'amitié, les livres au temps du virtuel. « Ben is Back », de Peter Hedges, avec Julia Roberts en mère d'un jeune drogué. « Colette », avec Keira Knightley dans le rôle de l'écrivaine en devenir et Dominic West dans celui de son mari Willy, qui exige de signer son premier livre. « Glass », de M. Night Shyamalan, où l'on retrouve les « superhéros » d'« Incassable » et de « Split » (Bruce Willis, Samuel L. Jackson, James McAvoy). « Holy Lands », d'Amanda Sthers, avec James Caan en cardiologue qui abandonne tout pour aller élever des cochons en Terre sainte.
Enfin, signalons pour ceux, sans doute peu nombreux, qui ne l'auraient pas vu, la sortie en DVD, BRD et VOD de « Première Année », le film de Thomas Lilti avec Vincent Lacoste et William Leghbil (nommé aux Césars dans la catégorie « Meilleur Espoir masculin »).
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