L’agence française de lutte contre le dopage fait son bilan

Un nouvel arsenal et des stratégies renforcées basées sur les profils biologiques

Publié le 16/06/2014
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le laboratoire national de détection du dopage de Châtenay-Malabry a reçu, en 2013, 11 578 prélèvements, un record absolu dont l’Agence française de lutte contre le dopage (AFDL) ne semble pas se satisfaire : « Nous sommes en dessous de nos objectifs qui étaient de 12 000 contrôles » regrette Bruno Lancestremère, secrétaire général de l’AFDL.

Malgré ces chiffres impressionnants, l’agence a paradoxalement assisté à une baisse de son activité disciplinaire (151 saisies contre 175), qu’elle explique par l’effondrement du nombre de saisies de cannabis. L’agence mondiale antidopage (AMA) a en effet décidé d’augmenter le seuil de détection des cannabinoïdes de 19 mg/L à 150 mg/L. Cette mesure devait ménager à la fois les pays qui considèrent le cannabis comme un dopage social n’ayant rien à voir avec le sport, et ceux qui voulaient le maintenir sur la liste des produits interdits en compétition.

« L’agence n’a pas à avoir une politique du chiffre » insiste Bruno Lancestremère. Peu importe le nombre de contrôles effectués, si les capacités de détection ne suivent pas. L’année dernière, 170 échantillons urinaires ont été déclarés avec un résultat anormal, soit une baisse de 23,4 % par rapport à l’année antérieure. On pourrait y voir un recul du dopage organisé mais ce n’est pas l’avis des responsables, pour qui les 1,5 à 2 % de prélèvements positifs signifient plutôt que les tests actuels ne sont pas à la hauteur. Les tricheurs parviennent en effet à leurrer les seuils de détection en microdosant les produits dopants ou en diversifiant les produits utilisés. Un nouvel arsenal doit être développé, avec pour arme maîtresse le profil biologique des sportifs.

Une spécificité de 99,5 %

Expérimenté depuis 2010 par l’Union cycliste internationale (UCI), consacré en France par la loi du 12 mars 2012 et le décret d’application du 27 décembre 2013, le recours au profil hématologique de l’athlète a été le grand chantier de 2013. L’année 2014 devrait pour sa part voir la mise en place du profil stéroïdien (pour la recherche d’anabolisants), en attendant l’arrivée du profil endocrinien (pour traquer la prise d’hormones de croissance). Il s’agit à chaque fois de contourner l’impossibilité de détecter directement les produits dopants en repérant les variations suspectes de taux de globules rouges et/ou de concentrations hormonales. « Nous avons des grilles de plus en plus précises qui nous permettent de repérer les profils anormaux avec une spécificité de 99,5 %, » détaille le Pr Xavier Bigard, conseiller scientifique de l’AFLD. La généralisation des profils biologiques est d’ailleurs une des priorités du nouveau code antidopage mondial qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015, suite à la conférence de Johannesbourg.

Établir le profil biologique d’un sportif est un travail long et coûteux qui sera réservé aux sportifs les plus à risques, ce qui suppose une amélioration du ciblage. En France, il existe un « groupe cible » de 429 sportifs les plus étroitement surveillés. Ces derniers sont choisis en fonction de la discipline - notamment celles qui exigent le plus d’endurance (ski nordique, cyclisme…) - mais aussi selon les antécédents du sportif ou encore les échéances des compétitions. L’AFDL veut également augmenter les contrôles inopinés réputés plus efficaces. Les contrôles lors des compétitions devront toutefois être maintenus : des substances comme les narcotiques et les glucocorticoïdes, ne sont interdits que pendant les compétitions.

Des échantillons utilisables pendant 10 ans

Autre levier pour améliorer la lutte antidopage : la dissuasion. Le futur code antidopage proposera de porter la prescription jusqu’à 10 ans après un prélèvement. Cette mesure doit fournir assez de temps à la technologie de dépistage pour combler l’éventuelle avance technologique des tricheurs, mais risque d’avoir une portée limitée en France. Les dirigeants de l’AFLD estiment en effet qu’une « conservation des échantillons pendant quatre ans paraît raisonnable, c’est la durée entre deux jeux olympiques », précise Bruno genevois, le président de l’AFLD.

La course de vitesse contre l’imagination des acteurs du dopage est un autre aspect sur lequel l’AFDL s’est penchée, mais avec un succès relatif. À partir de cette année, toutes les substances dopantes saisies par les douanes seront expédiées à Châtenay-Malabry dans le but d’affiner les tests de dépistage. L’agence souhaite également s’appuyer sur les laboratoires pharmaceutiques dont elle espère obtenir toutes les molécules en développement qui peuvent servir à améliorer les performances sportives, afin de mettre au point les tests de détection avant que les produits soient mis sur le marché, et détournés. Cette initiative ne rencontre que peu d’engouement : aucun laboratoire n’a pour le moment sauté le pas.

Damien Coulomb
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9335