Le temps des thrillers

Un pot-pourri de peurs

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Publié le 06/06/2016
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L-Tout ce qu'on ne s'est jamais dit

L-Tout ce qu'on ne s'est jamais dit

L-Rêver

L-Rêver

L-Te laisser partir

L-Te laisser partir

L-Jour Quatre

L-Jour Quatre

L-Sagittarius

L-Sagittarius
Crédit photo : IGS-CP

L-Le temps est assassin

L-Le temps est assassin

L-Maestra

L-Maestra

L-Les racines du sang

L-Les racines du sang

Fidèle au rendez-vous de l'été, Michel Bussi, le 3e auteur le plus vendu en France, ne cherche pas très loin le dépaysement. Il situe « le Temps est assassin » (1) en Corse, pendant les grandes vacances de 1989, quand un accident de voiture laisse Clotilde, 15 ans, orpheline ; et en août 2016, quand elle revient pour la première fois sur l'île avec sa famille et reçoit une lettre de sa mère, supposée morte vingt-sept ans plus tôt. Le passé, ravivé par la lecture du journal intime de l'ex-adolescente rebelle, alterne avec le présent, quand elle s'efforce, à ses risques et périls, de découvrir la vérité sur l'« accident ». Une balade en beauté.

Autre ténor du thriller, Franck Thilliez met en scène dans « Rêver » (2) une psychologue spécialisée en criminologie, qui a la particularité d'être narcoleptique. Alors qu'elle travaille sur une affaire d'enlèvement d'enfants, elle est victime d'un accident qui la laisse quasiment indemne mais coûte la vie à sa fille adolescente et à son père. Sachant que la maladie de l'héroïne la coupe du monde plusieurs heures par jour et lui fait confondre le rêve et la réalité, on a affaire à une intrigue pour le moins labyrinthique, avec une notion de temps malmenée, mais qui se suit sans temps mort.

Éditeur et fondateur de la maison Camion Blanc, spécialisée dans les livres sur le rock, Sébastien Raizer publie dans la fameuse « Série Noire » le deuxième volet d'une trilogie commencée l'année dernière, « l'Alignement des équinoxes », sorte de thriller métaphysique où s'entrecroisent philosophie guerrière asiatique, drogues psychédéliques, mouvements sectaires et totalitaires, nouvelles technologies et Cie. « Sagittarius » (3) poursuit cette descente aux enfers dans laquelle fantasmes sexuels, neurotoxines hallucinogènes, théories cybernétiques et prophéties destructrices se chevauchent. Un univers totalement déjanté, où se télescopent les enjeux d'aujourd'hui et les combats de demain.

Des voix et des fantômes

L'auteure du « Testament des abeilles » (bientôt adapté en série TV), Natacha Calestrémé, revient avec un roman ultra-documenté (elle a démontré sa rigueur scientifique en réalisant 23 films documentaires), mais dont le héros, sur la piste d'un tueur en série, se laisse guider par des petites voix qui lui chuchotent à l'oreille. « Les Racines du sang » (4) nous entraîne jusqu'à l'Afrique aux prises avec Ebola en passant par des magouilles de laboratoires, des manipulations pour l'argent et des guerres des polices : la triste réalité humaine avec une touche de surnaturel.

Un brin de surnaturel s'invite également sur « le Rêveur Magnifique », un paquebot où les passagers, embarqués pour une croisière de rêve, vont vivre un horrible cauchemar. Sarah Lotz, scénariste et nouvelliste de pulp-fiction sud-africaine, a réussi la gageure de réinventer, dans « Jour Quatre » (5), le « livre-catastrophe » ! La tension monte en même temps qu'une chose après l'autre se détraque à bord, jusqu'à l'apparition de mystérieux fantômes dans les couloirs inférieurs…

« Maestra » (6) est un roman de L.S. Hilton qui a bénéficié d'un lancement simultané dans 35 pays, après, avoue l'auteure, que son agent l'a « détesté » et que son éditeur a « refusé de le lire ». Tout est bien qui finit bien pour « le thriller le plus scandaleusement original que vous lirez cette année », premier volet d'une trilogie noire et érotique. L'héroïne, assistante le jour dans un hôtel de ventes aux enchères londonien (Lisa Sophia est diplômée d'Oxford et a étudié l'histoire de l'art), est entraîneuse la nuit pour arrondir ses fins de mois. Et parce qu'elle aime ça. Jusqu'au jour où, ayant découvert une gigantesque escroquerie autour d'une fausse toile de maître, elle goûtera à la vengeance. Un roman inclassable, qu'on aime ou qu'on n'aime pas.

Suspense psychologique

Parmi les livres qui ont pour thème la violence des sentiments, « Tout ce qu'on ne s'est jamais dit » (7), le premier roman de l'Américaine Celeste Ng, occupe une place de choix. Le suspense s'impose dès la première phrase : « Lydia est morte. » S'agit-il d'un accident, d'un meurtre ou d'un suicide ? Comment cette jeune fille de 16 ans, élève modèle et espoir de sa famille, s'est-elle noyée ? Au fur et à mesure que l'auteure interroge le père, la mère, le frère aîné et la jeune sœur, se découvrent des secrets profondément enfouis et des fêlures insoupçonnées. C'est la force de ce thriller hautement psychologique.

Grand succès outre-Manche, « Te laisser partir » (8) est également un premier roman, signé Clare Makintosh. L'auteure a passé douze ans dans les forces de police, mais ici aussi la psychologie l'emporte sur l'action, même si l'intrigue repose sur la mort d'un enfant, renversé par une voiture dont le conducteur s'est enfui. Il y a d'un côté la mère, prête à tout pour échapper à son passé et refaire sa vie ailleurs ; de l'autre côté un enquêteur déterminé à retrouver le chauffard mais empêtré dans ses problèmes familiaux. Rien de bien nouveau, sauf que, vers la fin, enfin, les révélations, les péripéties et les retournements de situations se multiplient, qui éclairent le récit d'un jour nouveau. 

(1) Presses de la Cité, 532 p., 21,50 €

(2) Fleuve, 597 p., 21,90 €

(3) Gallimard, 488 p., 20 €

(4) Albin Michel, 325 p., 19,90 €

(5) Fleuve, 456 p., 19,90 €

(6) Robert Laffont, 372 p., 18,90 €

(7) Sonatine, 271 p., 19 €

(8) Marabout, 450 p., 19,90 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9502