Spectacles d'automne à Amsterdam

Une chorégraphie spectaculaire

Par
Publié le 21/10/2019
Article réservé aux abonnés
L'Opéra national néerlandais reprend à Amsterdam deux spectacles, le « Cosi Fan Tutte » de Wisler et Morabito et la légendaire chorégraphie de « Roméo et Juliette » de Rudi van Dantzig.
« Roméo et Juliette »

« Roméo et Juliette »
Crédit photo : MARC HAEGEMAN

Deuxième reprise au Nationale Opera & Ballet des Pays-Bas de la production de « Cosi fan Tutte » créée en 2006 pour le 250e anniversaire de la naissance de Mozart, signée par Josse Wisler et Sergio Morabito et seule rescapée d’une très controversée Trilogie Mozart-da Ponte.

L’opéra est transposé dans les années 1950 dans un camp de vacances pour adolescents en bord de mer, camp dont le directeur n’est autre que Don Alfonso. Si la transposition fonctionne tant bien que mal – les sentiments, la jalousie, les entrelacs sentimentaux sont éternels –, la mise en scène rencontre quelques écueils. L’âge des protagonistes principalement, mais aussi l’esthétique de la production, qui accuse ses 13 ans, la dispersion de l'action et le dispositif même, une tournette à trois compartiments placée sur une scène vide.

Et pourquoi faire surjouer les personnages, principalement pendant leurs airs de bravoure, et appuyer le côté sexuel, déjà bien ancré dans les dialogues ? C’est d’autant plus regrettable que musicalement le plateau est plutôt équilibré, avec sa distribution entièrement renouvelée. Chez les dames, une excellente Fiordiligi, l’Allemande Annett Fritsch, et la Dorabella du mezzo américain Angela Brower, avec une voix peut-être un peu trop claire pour le rôle, tandis que la Portoricaine Sophia Burgos campe très bien une Despina inutilement délurée. Les hommes sont aussi irréprochables : l’Allemand Sebastian Kohlhepp, très à l’aise, et l’Italien Davide Luciano (excellent Gulielmo), meilleur comédien de la distribution. Le Chœur de l’Opéra National néerlandais est à un niveau d’excellence que n’approche pas le Nederlands Philharmonisch Orkest, dirigé avec raideur et lourdeur par Ivor Bolton.

Une création Van Dantzig

Le Het Nationale Ballet (HNB), première compagnie de danse des Pays-Bas, reprend quant à lui la spectaculaire chorégraphie de « Roméo et Juliette » créée en 1967 par son ancien directeur artistique Rudi van Dantzig (1933-2012). Avec « Romeo en Julia »*, Van Dantzig, resté pendant vingt ans à la tête du HNB, pour lequel il a réalisé une quarantaine de pièces, signait sa première longue chorégraphie, que de nombreuses compagnies dans le monde voulurent inscrire à leur répertoire. La réputation du chorégraphe, récompensé par les plus grandes distinctions nationales et européennes, a décollé dans les années suivantes. De grands danseurs, tel Rudolf Noureev, lui ont passé commande de pièces originales.

N’ayant jamais vu cette légendaire chorégraphie, c’est avec un mélange de curiosité et d’appréhension que l’on s’est rendu au Muziektheater d’Amsterdam, à l’annonce de cette reprise par les meilleurs solistes de cette excellente compagnie. L’enthousiasme a été à la hauteur des espérances. Ce travail, qui a bien résisté au temps, réalise la parfaite symbiose entre la danse, traitée avec tous les raffinements du néoclassicisme, et le théâtre au plus proche de Shakespeare, dans un souci constant de lisibilité totale et avec la touche de folie sans laquelle aucun ballet de ces dimensions ne peut décoller. La réussite tenant aussi à l’esthétique de la pièce, due à l’immense Toer van Schayk, avec des tableaux vivants, une Vérone quasi picturale, un festin de couleurs, des costumes somptueux, jamais dans l’excès.

Les deux danseurs de la deuxième distribution (la première danseuse, Igone de Jongh, qui danse dans cette production depuis 24 ans, prend sa retraite cette année), la Chinoise Qian Liu et le Russe Semyon Velichko, ont interprété avec une grâce surnaturelle les figures de Van Dantzig. Elle longue comme une liane, si légère, si proche de l’enfance et faisant preuve de dons de comédienne quasi cinématographiques. Tous les rôles de caractère et le corps du HNB méritent des éloges appuyés, comme tous ceux qui ont eu à cœur de participer à cette magnifique fresque.

* Jusqu'au 31 octobre, www.operaballet.nl

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin