Réel et imaginaire

Une confusion à risques

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Publié le 06/05/2019
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Idées-Grimaldi

Idées-Grimaldi

« Tout ce qui est réel est rationnel » et inversement, affirmait Hegel. Il ne reste donc plus à Nicolas Grimaldi qu'à essayer de bien analyser ce réel sur le plan théorique. Et de le supporter dans la vie quotidienne.

Hélas, ce brillant penseur ne montre pas dans ce cas la sagacité supposée. Tout comme le simple homme de la rue, il prend souvent son imaginaire pour la réalité, et comme tout le monde, il souffre ou s'amuse lors de ses rêves, comme s'il s'agissait du vécu réel, exemple favori de Descartes.

Il peut aussi être amené à penser qu'il y a une autre réalité que celle que nous captons avec nos sens. Il devient idéaliste, mieux, ou plutôt pire, idéologue, utopiste, révolutionnaire voire terroriste. C'est cette terrifiante conversion que Nicolas Grimaldi analyse avec un grand talent dans une partie de son ouvrage.

« Toute idéologie consiste dans un envoûtement. » Une fable, un mythe nous fait devenir prisonnier du paradis retrouvé, de la cité de Dieu ou de la société sans classes. Autant de thèmes qui nous précipitent dans l'univers de la croyance, ou du délire eschatologique sur les fins dernières de l'homme, et parfois vers l'Amour idéal.

Tout ceci ne serait pas très grave, pourrait relever des bizarreries de l'imaginaire. Ne passons-nous pas notre vie à prendre des vessies pour des lanternes ? Mais devrait-on au nom d'une croyance sacrifier des millions d'innocents ?

Ces thèmes sont bien développés par l'auteur, qui insiste sur la puissance de l'engagement, du fanatisme qui s'en remet à une croyance de sauver sa vie. On comprend dès lors « qu'il ne puisse douter de sa croyance sans remettre toute sa vie en jeu ». « Notre vie, disait Alain, c'est notre serment. »

On entre ici dans les conduites où le réel est suspendu. La pitié n'existe plus, on s'abandonne comme l'enfant qui joue, l'amateur de théâtre qui s'installe dans son fauteuil, on consent à un autre monde.

On l'aura compris, Nicolas Grimaldi nous entraîne vers des régions un peu troubles. Là où la vie est un songe un peu creux à la Calderon. Mais parfois merveilleux comme l'étoffe dont sont faits les rêves.

Nicolas Grimaldi, « Sortilèges de l'imaginaire - La vie et ses égarements », Puf, 130 p., 14 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9747